Essonne : faut-il réhabiliter les fusillés pour l’exemple ?

Essonne : faut-il réhabiliter les fusillés pour l’exemple ?

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Le nom de Jules Alphonse Thierry est désormais gravé sur le monument aux Morts de Saint-Germain-lès-Arpajon.

A l’heure où une proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale, est en cours d’examen au Parlement, déjà deux communes de l’Essonne ont décidé d’associer ces fusillés aux autres soldats morts durant la Grande guerre.

Ce vendredi 11 novembre à Saint-Germain-lès-Arpajon, Norbert Santin, maire, sera accompagné de Françoise Rousseau, présidente de la Libre Pensée de l’Essonne. L’association est l’un des fers de lance du combat pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Le maire leur avait prêté une oreille attentive, et depuis le 11 novembre 2019, sur le monument aux Morts de la commune, est également gravé le nom de Jules Alphonse Thierry, fusillé le 25  avril 1915.

Pour l’édile, la proposition de loi en cours d’examen au Parlement est une proposition «intelligente », et il entend bien «faire du lobbying », auprès des parlementaires essonniens pour que cette proposition de loi aboutisse. Françoise Rousseau salue la décision courageuse de Norbert Santin et de ses collègues du Conseil municipal.

« Aujourd’hui, oui, il est important de rétablir l’honneur de Jules Alphonse Thierry et de lui rendre cet hommage, pour lui et pour sa famille, et pour tous les descendants de ces victimes innocentes, lesquels ont constitué une association nationale pour exiger avec obstination leur réhabilitation», lançait-elle en 2019. Depuis 2017, à Marcoussis, le maire Olivier Thomas associe également à chaque fois le 11 novembre ces soldats fusillés pour l’exemple.

La proposition de loi déposée par le député Bastien Lachaud souhaite réhabiliter les 639 fusillés pour l’exemple dont la situation demeure en attente aujourd’hui. Mais, même 104  ans après l’Armistice, le sujet fait débat. A Saint-Germain-lès-Arpajon, la municipalité avait pris son temps avant d’agir.

«Nous avions fait un gros travail de pédagogie en amont. Nous avions travaillé avec les anciens combattants de la commune et nous étions allés à Chauny, sur le monument dédié aux soldats fusillés, avec le Conseil municipal des enfants et les anciens combattants», rappelle l’édile.

«On peut leur pardonner»

Si la réhabilitation fait débat, graver le nom des soldats fusillés sur le monument aux Morts est également sensible. Pour Jocelyne Guidez, sénatrice et présidente du groupe d’étude Monde combattant et mémoire, il convient d’agir avec discernement. «Nous avons reçu des historiens sur ce sujet qui nous ont dit qu’il y avait beaucoup de doutes sur ces sujets. Il n’existe pas de preuves que ces soldats ne se sont pas mutilés volontairement», confie-t-elle.

Cependant, elle est favorable à la réhabilitation.  « La guerre a été terrible, et on peut comprendre que ces hommes, qui n’étaient pas des soldats de métier, aient eu la peur au ventre. Ils avaient le droit d’avoir peur et on peut leur pardonner», souffle Jocelyne Guidez.

Car au-delà de ces hommes, il y avait leur famille, leur femme, leurs enfants, qui sont devenus des parias dans leurs villages, ont vécu dans la pauvreté, car les épouses n’avaient pas droit aux pensions de veuves de guerre. «Cela a été la double peine pour les familles. Elles ont été obligées de déménager, ont vécu dans l’opprobre », rappelle Norbert Santin. «Après un siècle, réhabilitons ces hommes, pour les familles, enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants pour qui cela peut être un soulagement», ajoute la sénatrice.

Mais faut-il pour autant inscrire leurs noms sur les monuments aux Morts. Pour Jocelyne Guidez, ce serait indélicat pour les morts tombés face à l’ennemi. «Il faut faire une différence entre celui qui est mort au combat et celui qui est tombé dans d’autres circonstances. Je pense qu’il est important d’avoir un cadre clair fixé au niveau national», affirme-t-elle.

Laisser le choix aux maires, elle n’est pas pour et prend pour exemple la mise des drapeaux en berne, normalement décidée par le Président de la République. Mais, lors du récent décès de la Reine d’Angleterre, on avait vu de nombreuses mairies décider de mettre leurs drapeaux en berne en guise de respect. Sur ce type de sujet, elle insiste sur la nécessité d’un cadre et d’une unité d’action au niveau national.

Trois autres soldats concernés en Essonne Plus de 100 ans après, la question des fusillés pour l’exemple fait donc encore débat. Outre Jules Alphonse Thierry à Saint-Germain-lès-Arpajon, trois autres essonniens fusillés pour l’exemple sont concernés: Eugène Albaud, né à Maisse et fusillé le 14  février 1916, Charles Eugène James, né à Corbeil-Essonnes et fusillé le 13  août 1917, et enfin Maurice Pajadon, né à Ollainville et fusillé le 20 octobre 1916 pour avoir refusé de monter en première ligne à Douaumont.