Essonne : l’inquiétude du monde économique face à la crise énergétique

Essonne : l’inquiétude du monde économique face à la crise énergétique

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L'entreprise l'Union des forgerons de Méréville est une grosse consommatrice d'énergie (© Le Républicain de l'Essonne).

Des plus grandes entreprises aux plus petites, des industriels aux artisans, des commerçants aux agriculteurs, pas un seul acteur du monde économique n’échappe à la crise énergétique et l’inquiétude est forte pour chacun d’entre eux.

Des factures multipliées par trois, par quatre, voire par huit, les annonces des fournisseurs d’énergie faites aux chefs d’entreprises ces dernières semaines leur ont donné des sueurs froides. L’attente d’un plan gouvernemental pour les accompagner était forte. Malgré celui-ci, les germes d’une crise économique restent bien présents.

La nécessité de continuer à investir

Jeudi 27 octobre, à l’heure où la Première ministre Elisabeth Borne annonçait le plan gouvernemental en faveur des entreprises, le ministre délégué à l’Industrie Roland Lescure visitait l’Union des Forgerons de Méréville, l’une des dernières pépites industrielles de l’Essonne. Pour Jean-Léry Lecornier son président, la crise du coût de l’énergie représente un défi majeur.

Le ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure, échange avec Jean-Léry Lecornier, président de l’Union des Forgerons.

«Notre facture énergétique passe de 5 à 17 % du chiffres d’affaires», confie-t-il. L’entreprise a activé son Prêt garanti par l’Etat pour payer sa dernière facture d’électricité alors qu’elle avait pu s’en passer jusqu’à présent. Globalement, l’augmentation qui se mesure en millions d’euros pour l’entreprise et qui n’est pas sans conséquence.

Cela va réduire en effet significativement les marges de l’entreprise, alors que celles-ci avaient déjà été touchées par l’augmentation du coût des matières premières. Ses capacités à investir se retrouvent d’autant plus réduites. «Nous allons déjà maintenir notre outil industriel», affirme Jean-Léry Lecornier.

Pourtant, continuer à investir est nécessaire pour cette entreprise dont les carnets de commande sont remplis et qui travaille pour des secteurs stratégiques comme l’aéronautique ou le nuclaire et notamment le futur EPR. Un accompagnement de l’Etat est ici attendu, en espérant que celui-ci soit simple à mettre en œuvre.

Le chef Aymeric Dreux s’inquiète pour l’équilibre de son complexe hôtel-restaurant.

A quelques kilomètres de là, à Boutervilliers, Aymeric Dreux, chef du restaurant le Bouche à Oreille fait aussi face à la même évolution à la hausse du coût de l’énergie. «Aujourd’hui nos fournisseurs d’énergie nous annoncent des augmentations par trois, voire 3,8 pour l’électricité ou le gaz », indique-t-il. Un impact évalué au minimum à 15000 € par mois, soit 180000 € par an. De quoi stopper ses projets d’investissement pour 2023.

Surtout que les mesures du gouvernement ne vont pas lui être d’une grande aide. « Pour moi, cela ne représente rien. Il va falloir s’interroger sur notre manière de travailler, et peut-être devrons-nous fermer plusieurs jours dans la semaine voire licencier pour faire face », analyse Aymeric Dreux.

Celui-ci qui reçoit chaque jour des chefs d’entreprise dans son établissement voit l’évolution de la situation dans les mois à venir comme compliquée. «On risque des licenciements et des dépôts de bilan en cascade ».

Les graines d’une crise alimentaire

Autre secteur violemment touché, le monde agricole. Certaines filières sont des grosses consommatrices d’électricité, notamment quand des frigos sont nécessaires pour stocker la production. C’est le cas pour ceux qui produisent des pommes de terre.

A Boutigny-sur-Essonne, Nicolas Hottin est l’un des agriculteurs touchés. «Au mois de juillet dernier, nous avons signé un nouveau contrat d’approvisionnement en électricité à 426 €/ MWh contre 53  € auparavant. Cela fait passer notre facture de 75000 € par an à 185000 €», détaille-t-il.

Le coût de cette augmentation est partagé moitié-moitié entre le producteur et son acheteur, mais la marge des agriculteurs est fatalement rognée. «On se demande vraiment si nous allons continuer à produire des pommes de terre », témoigne Nicolas Hottin. Une question que se pose une grande partie des producteurs dans le pays. «Nous avons tous les prémices d’une crise alimentaire avec cette crise énergétique », s’alarme-t-il.

Ce vendredi 28  octobre, près de 24h après l’annonce des mesures du gouvernement, Patrick Rakotoson, président de la Chambre de commerce et d’industrie de l’Essonne saluait «l’énorme effort du gouvernement», mais soulignait également qu’elles n’allaient pas résoudre «les problèmes de trésorerie à court terme des entreprises».

Celui-ci insistait sur la nécessité de suspendre le remboursement des PGE et de remettre en place des dispositifs de chômage partiel pour sauvegarder l’emploi et de permettre aux entreprises de conserver les compétences humaines en leur sein.

Pour tous les chefs d’entreprise, l’inquiétude pour les mois à venir est palpable. A ces inquiétudes, s’ajoute celle sur l’inflation déjà largement ressentie, celle sur le risque de délestage qui pourrait stopper l’activité, et l’incertitude provoquée par la guerre en Ukraine qui se prolonge.

Bref, pas de quoi donner une visibilité pourtant indispensable aux acteurs économiques.