Immersion dans le quotidien de Théo Mori, réalisateur de clips

A 26 ans, Théo Mori est un élément clé de l’industrie musicale. Dans l’ombre, il réalise les clips musicaux d’artistes de la scène métal et rap. A l’origine aux manettes de la technique de la réalisation des documentaires, il a changé de public et quitté les boîtes de production pour laisser libre court à son imagination. De son parcours, en passant par son organisation à ses inspirations et quelques galères de tournage, il a accepté de nous raconter son quotidien.

Il est 23h19, vendredi 24 septembre. Les magasins ont fermé leurs portes depuis trois bonnes heures maintenant. Les parkings de la Croix-Blanche se sont vidés de leurs voitures. Pourtant, aux abords d’une boutique de vêtements, un groupe de jeunes est posé là. Le projecteur qui diffuse une lumière puissante est calé devant la BMW 635 csi, voiture de collection des années 70. Un bijoux pour lequel a été laissée une sacrée caution, moins importante que celles pour la caméra ou encore la lumière. A son bord, un figurant cagoulé travaille sa gestu’, autrement dit sa gestuelle, son attitude. Le moment est capturé par Théo, un Leuvillois de 26 ans, qui manie la caméra depuis l’enfance, et qui réalise des clips pour les artistes depuis 2018. 

« Je touche à la vidéo depuis que je suis tout petit. Mes parents avaient des caméscopes, je m’amusais à les filmer et à me filmer moi, déguisé en Spiderman. Une fois adolescent, j’enregistrais les concerts de mon groupe de musique, c’est là que j’ai commencé le montage », se souvient Théo. Après un BTS dans l’audiovisuel, le jeune diplômé travaille pour différentes boîtes de production : « J’étais assistant monteur, donc je préparais tout ce qui est nécessaire pour les documentaires ». Rush des images, intégration au logiciel, conversion au bon format, organisation des dossiers… Théo était aux manettes de la partie technique, là où il n’y a aucune place à la création. « J’ai arrêté car je me suis rendu compte que ça ne me plaisait pas d’assister et de rester assis sur un ordinateur toute la journée. » Quelques salaires d’animateur en centre de loisirs mis de côté permettont à Théo d’économiser pour acheter son matériel vidéo. Parallèlement à ce boulot, Théo voit le premier clip de son groupe de métal être produit. « Quand j’ai vu le travail du réalisateur, j’ai eu un déclic. J’ai compris que je voulais faire pareil. » Des images, de la musique et de la liberté. Un coup de foudre professionnel pour celui qui est aussi bassiste sur son temps libre.  

De la scène métal à la scène rap

Depuis trois ans, Théo tourne et monte des clips à la demande des artistes. Ce dernier «m’envoie le son [préalablement enregistré en studio, ndlr] et me donne quelques idées de mise en scène, comme par exemple ici avec la voiture. Moi derrière, je viens compléter et on se met d’accord. » Un mariage d’idées entre deux personnes créatives, en somme. L’homme de 26 ans a déjà réalisé une trentaine de clips, pour le milieu du métal et du rap. « J’ai commencé dans le métal avec des groupes comme Frctd [lire fractured, ndlr] et Out of my eyes. Puis j’ai été vers le rap en suivant les traces de mon meilleur ami, Breizman. J’ai beaucoup progressé grâce à lui. Mon dernier clip, c’était pour lui [voir la vidéo ci-dessous, ndlr]» Les deux genres musicaux n’ont pas d’élément commun, si ce n’est l’énergie communiquée à travers les paroles débitées. « C’est une dynamique », explique Théo. Il est inspiré par des réalisateurs comme Chris Macari, pour les deniers clips de Booba, ou encore Kamerameha et Mess, qui ont travaillé pour PNL, et Igor Omodei, issu de la scène métal. « Ce que j’aime, c’est l’aspect cinématographique dans ses clips. On distingue ça dans l’ambiance, le décor et les plans. » A la différence des « clips de rue », où les scènes filmées sont « banales », celles des vidéos auxquelles aspire Théo sont plus recherchées, avec une importance donnée aux personnages, qui jouent des rôles importants. 

“Chaque tournage a son lot de galères”

Quatre jours. C’est la durée sur laquelle s’étale son organisation : deux pour tourner et deux pour monter.  « Je n’aime pas faire le montage d’une traite, je préfère prendre du recul pour avoir le meilleur résultat. » Seul, il facture plusieurs centaines d’euros ce que les boîtes de production facturent des milliers. « Ce qui est normal, puisque c’est le travail de plusieurs personnes. Il faut filmer, monter, gérer les effets spéciaux, trouver les figurants, louer les voitures… En fait, ce sont des petites productions de cinéma. » Des court-métrages qui ont leurs difficultés, techniques d’abord. « En fonction de l’exigence de l’artiste, il faut avoir une bonne lumière, c’est ce qu’il y a de plus important alors qu’on n’y porte pas forcément attention au départ. Il faut aussi savoir régler la caméra, et s’assurer que les images s’enregistrent bien. Chaque tournage a son lot de galères, c’est une routine à prendre. » Les caméras suscitant la curiosité des passants, il faut aussi savoir gérer les personnes extérieures au tournage. « Quand on est plusieurs ça va encore, mais quand je suis seul avec l’artiste, les gens ont tendance à oublier qu’on est en train de travailler. » 

Cette voiture de collection, une BMW 635 csi, était un des bijoux du tournage.
Un clip interrompu par la BAC 

L’anecdote la plus marquante est finalement drôle à raconter, mais elle aurait pu mal tourner. « On tournait un clip en deux parties. Dans une de ces deux parties, on devait customiser une vieille 206, qui allait ensuite partir à la casse. Ce véhicule avec lequel on faisait des dérapages sur des rond-points n’avait ni assurance ni carte grise. Au bout de deux minutes à peine, on se fait arrêté par la BAC à cause du bruit. » N’ayant pas prévu le coup, le conducteur n’avait aucun de ses papiers sur lui. « On s’est dit c’est mort, c’est la fin du clip… Mais dès que les policiers ont compris que c’était un tournage, ils se sont montrés curieux et nous ont juste conseillé de rentrer chez nous. L’ambiance est toujours bonne. » 

Familier des tournages rap et métal, Théo Mori aimerait désormais s’ouvrir à d’autres horizons musicaux. « J’ai fait beaucoup dans le sombre et violent, j’aimerais quelque chose de plus doux et mélodieux. » A bon entendeur.