Kévin Legrand dans les starting-blocks

Kévin Legrand dans les starting-blocks

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Kévin Legrand devant la toute nouvelle piste d'athlétisme du stade Henri-Longuet de Viry-Chatillon, qui accueillera la deuxième édition du meeting d'Athlé 91 le samedi 22 juin. ©A.F.

Coordinateur de compétition pour les épreuves d’athlétisme des Jeux olympiques de Paris, le président du club de Viry-Chatillon a délaissé ses fonctions de starter et de juge arbitre à la Fédération européenne pour vivre une expérience unique.

A un peu plus de 60 jours du lancement des Jeux olympiques (ndlr : 26 juillet-11 août), les sites qui recevront les différentes compétitions sont prêts à être livrés au Comité d’organisation Paris 2024 (COJO). Le Stade de France, qui accueillera les matchs des tournois hommes et femmes de rugby
à VII (24-30 juillet), les épreuves d’athlétisme (2-11 août) et la cérémonie de clôture, a bénéficié d’un lifting d’ampleur pour adapter le « théâtre » de la finale de la Coupe du monde 1998 de football aux besoins très pointus et spécifiques des JO. Un chantier démarré au lendemain de la finale du Mondial de rugby en octobre dernier et qui se poursuit encore aujourd’hui. « Les travaux sont quasiment terminés », confie Kévin Legrand. En tant que coordinateur de compétition pour le COJO, le jeune (27 ans) président du club d’athlétisme de Viry-Chatillon en a été le témoin privilégié. Depuis sa prise de fonction en février dernier, il passe deux à trois jours par semaine dans l’enceinte sportive

« Le Stade de France a été complètement refait. Il est magnifique avec une nouvelle piste d’athlétisme de couleur violette à neuf couloirs, s’enthousiasme cet ancien étudiant en informatique. Il y a eu beaucoup de travail pour être aux normes, d’autant qu’il n’y a pas eu de compétition d’athlétisme au Stade de France depuis 2015. Tout sera prêt pour la remise des clés au comité d’organisation le 1er juin. Il nous reste quelques détails à régler comme le remplissage de la fosse qui sert au 3 000 m steeple. On attend la livraison des tapis au design des Jeux. Les équipes d’Omega (chronométrage) et des télévisions vont ensuite s’installer. » Une dernière répétition générale est prévue le mardi 25 juin dans le cadre d’une épreuve « test event » qui aura pour objectif de tester la nouvelle piste, le chronométrage et l’organisation du jury. Seules quelques épreuves (800 m, haies, 3 000 m steeple, longueur…) auront lieu et seront uniquement réservées aux athlètes français.

« Starter » au meeting de Paris à 18 ans
« On est dans le sprint final qui reste encore un marathon », lance Kévin Legrand qui, à partir du 1er août (épreuve de marche), sera dans le vif du sujet. En tant que directeur de compétition, il manage tout ce qui se passe sur le terrain pendant l’événement. « On aura deux sessions par jour, ce qui implique beaucoup de travail avant, après et entre chaque session pour rendre le Stade de France le plus beau possible pour les spectateurs et la télévision mais je n’aurai pas à intervenir. Si c’est le cas, ce n’est pas bon signe », sourit Kévin Legrand. Placé dans les tribunes avec un point de vue qui lui permet de voir tout ce qu’il se passe, il coordonnera à la fois l’action des athlètes, leur entrée sur le terrain, l’action des officiels, le lien avec l’animation (speaker), le lien avec la télévision. « Ce trio animation-télévision-sportifs est essentiel pour mettre le show en lumière », estime celui qui a quitté — temporairement — son poste d’officiel à la Fédération européenne d’athlétisme. « Ce sont les mêmes tâches que je faisais chez European Athletics, mais cette fois du côté du comité d’organisation. C’est différent. On ressent beaucoup plus la pression de l’événement car c’est vraiment nous qui le mettons en mouvement. Le compte à rebours a commencé et on le ressent bien. »
La pression, il en l’habitude en tant qu’officiel sur les compétitions d’athlétisme. Une fonction qu’il exerce depuis ses années benjamins-minimes. Poussé par son entraîneur de l’époque, Laurent Werquin, pour suivre la filière juges-officiels de la Fédération française, il se spécialise comme starter. « C’est important de connaître les règles de son sport, c’est très pédagogique », confie celui qui, à 18 ans, devient starter fédéral. Une manière pour lui de rester en contact avec son sport — il pratique le 400 m et le 400 m
haies — car, après le Bac, il doit stopper la compétition en raison de ses études supérieures.

« Quand on est starter, on est acteur de la course de l’athlète. On doit les mettre dans les meilleures conditions. »

« J’ai eu la chance de pouvoir donner le départ de la finale du 100 m du meeting de Paris en juillet 2014. On ressent la pression, d’autant plus quand il y a 45 000 spectateurs. Ce jour-là, il y avait eu un faux départ et l’athlète (ndlr : Nickel Ashmeade) ne voulait pas sortir. Ça a bien duré cinq minutes, se souvient Kévin Legrand. La Fédération française d’athlétisme nous prépare à gérer toute forme de pression, mais ce qui fait avant tout la différence, ce sont les qualités humaines des officiels. Elles sont très importantes. Quand on est starter, on est acteur de la course de l’athlète. On doit les mettre dans les meilleures conditions car ce sont eux qui font le show. »
Depuis ses premiers pas comme starter, Kévin Legrand ne compte plus les championnats et meetings internationaux et autres championnats de France au cours desquels il a officié. Mais s’il y a une compétition qu’il garde en tête, ce sont les championnats du monde masters à Lyon en 2015. « Il y avait 10 000 athlètes soit autant d’engagés qu’aux Jeux olympiques tout sport confondu, lance le dirigeant castelvirois. Les courses étaient dispatchées sur cinq stades. Ça a duré deux semaines. Je me rappelle qu’on a donné sur une journée 96 départs de 400 m haies. Plus drôle, un homme de 85 ans avait battu le record du monde du saut à la perche de sa catégorie d’âge en passant une barre à 1,80 m. »


Kévin Legrand aurait pu officier sur les Jeux olympiques en tant que starter pour donner le départ des courses d’athlétisme. Pressenti pour être le coordinateur des dix starters des JO — triés sur le volet parmi 300 candidats français —, il a fait le choix du COJO Paris 2024. « Faire partie de l’organisation des Jeux en France, c’est une opportunité unique sur le plan professionnel mais je me suis posé la question, il ne faut pas se mentir, reconnaît-il. Mes copains starters vont vivre le départ des courses sur le terrain. C’est une super récompense pour eux, car les Jeux olympiques, c’est le plus grand événement sportif au monde. On donne beaucoup de temps bénévolement chaque week-end. C’est une fierté. Mais je sais aussi que, potentiellement, je pourrai peut-être un jour revenir sur une autre édition des JO comme starter international. »

Un homme à multiples casquettes
Jusqu’aux Jeux paralympiques, prévus du 30 août au 7 septembre, les semaines de Kévin Legrand seront encore bien chargées. « On est en train de finaliser les plannings des épreuves. Tout doit être calé à la seconde près », confie le dirigeant castelvirois, qui continue de se rendre sur les meetings avec des casquettes très différentes. Officiel dimanche dernier à Montgeron, il sera speaker samedi au meeting Stanislas de Nancy avant de commenter pour la chaîne Athlé TV le lendemain à Forbach. L’occasion de voir évoluer les athlètes français en espérant qu’ils brillent cet été au Stade de France. Il sera également de passage au meeting de son club, le 22 juin à Viry-Chatillon. « C’est important de ne pas perdre de vue l’athlétisme  de base, ça fait garder les pieds sur terre et on n’oublie pas d’où on vient. Tous les athlètes ont commencé dans une petite structure. »

Aymeric Fourel