Portrait : Jessy, sur les routes en toute « liberté »

Portrait : Jessy, sur les routes en toute « liberté »

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"J'aime découvrir de nouveaux paysages, hors Ile-de-France [...] La ville la plus lointaine où j'ai été est Reims."

Jessy Mahobah a 27 ans. Chauffeur poids-lourd, il aimerait avoir sa propre entreprise. En attendant, il conduit neuf à dix heures par jour pour la société Defitrans, basée à Ris-Orangis. Il nous parle de son quotidien.

« Le Scania V8. C’est le top du top. C’est du luxe, c’est parfait. Il y a une bonne sono, des tapis, un frigo… C’est complet ! Il y a la clim’ de nuit aussi, qui fonctionne même quand le moteur est à l’arrêt. » Jessy Mahobah a les yeux qui brillent. Chauffeur poids-lourd, il ne tarit pas d’éloges quand il parle de son camion de rêve. Domicilié à Saint-Michel-sur-Orge, il se rend quotidiennement dans la zone du Bois de l’Epine, à Ris-Orangis. A partir de là, il récupère son outil de travail et sillonne les routes de la moitié nord du pays pour livrer « tous types de marchandises, sauf les matières dangereuses« . Après une journée 8h-13h, il a pris le temps de nous raconter comment son histoire d’amour avec la route a débuté.

Si l’homme de 27 ans parcourt les chemins goudronnés de métropole, ce n’est pas sur ce territoire qu’il a poussé son premier cri. Jessy est né le 1er juin 1995 aux Abymes, en Guadeloupe. Comme pas mal d’enfants de son âge, il était « très jeux vidéo« , dont ceux de combat et de voiture. Après avoir obtenu son baccalauréat professionnel « systèmes électroniques numériques », il débarque en métropole. « A mes 19 ans, j’avais des difficultés à trouver du travail. Je suis allé en vacances chez mon frère à Massy et j’ai eu du boulot directement, alors je suis revenu m’installer. » Notez que si le chômage a tendance à baisser sur l’archipel guadeloupéen, son taux était encore d’environ 17 % en 2021, contre 8 % en métropole.

Un écriteau offert par le patron

Jessy commencera sa vie active par des petits boulots : facteur, préparateur de commande… Il décide de devenir chauffeur poids-lourd d’abord « pour la liberté« . « J’ai mon planning la vieille pour le lendemain, et je suis seul dans mon camion. Je n’ai pas de pression« , explique le chauffeur. Mais aussi pour sa proximité avec le milieu. « Mon oncle est chauffeur poids-lourd international et une bonne partie de mes cousins est aussi dans le secteur. » Le 16 mai 2017 il passe son permis C, celui permettant de conduire des camions « porteurs », c’est à dire ceux qui transportent la marchandise et ne la tractent pas. Puis, pour livrer davantage de produits, il acquiert le permis CE le 13 juin 2019, ce qui l’autorise à conduire son 38 tonnes. Jessy travaille pour Defitrans Ris-Orangis depuis sa création en 2020. S’il n’a pas le camion de ses rêves, il a au moins son véhicule attitré, un Renault d’occasion. « Je rentre avec les clés chez moi. C’est beaucoup mieux. Parce que quand on se partage un camion avec différents chauffeurs, il peut être sali, et le réservoir d’essence vidé. Là au moins je suis seul, et je n’ai pas à courir pour aller faire de l’essence. » Son seul ornement pour le moment : un écriteau, offert par le patron, où est indiqué son prénom.

« J’aimerais mettre une banderole lumineuse, un tapis, un frigo et teindre les vitres« , lance celui qui est aussi passionné de voitures. Côté horaires, Jessy a préférer opter pour le travail de jour. « Je commence au plus tôt à 5h et je finis au plus tard à 20h. Je n’aime pas conduire la nuit, pourtant c’est mieux puisqu’il n’y a personne. Mais je m’endors au volant. » Seul dans sa cabine, Jessy aime découvrir les paysages, hors Ile-de-France. « La ville la plus lointaine où j’ai été est Reims« , précise le chauffeur. Si le Guadeloupéen a choisi ce métier pour la liberté, en réalité, sa conduite, en cas de contrôle des autorités, est millimétrée. « Lorsqu’on nous contrôle, on peut avoir accès à notre historique de conduite des 27 derniers jours, grâce à une carte à puce électronique qu’on insère dans un boîtier de la cabine. » Tout est alors scruté à la loupe, comme les temps de pause. Après quatre heures et trente minutes de conduite, une pause de 45 minutes est obligatoire. Et l’amende est salée : « C’est 750 € minimum« . Côté vitesse, le camion étant bridé à 90km/h, il ne peut faire d’excès.

« Quand on n’a pas le choix, on passe. »

Détenteur du permis A et B, Jessy aime vraiment la route… A quelques petits détails près, en ce qui concerne la circulation des poids-lourd. « Certaines zones nous sont interdites, mais on doit quand même livrer là-bas. » Il donne en exemple la ville de Dourdan, qui regorgerait de zones interdites aux poids-lourd. « Quand on n’a pas le choix, on passe. »
A terme, Jessy aimerait devenir exploitant : « Je voudrais gérer la société, les remorques, les appels… Je l’ai déjà fait cet été. » D’ici quelques temps sans doute…

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Le langage des routiers 

Saviez-vous que les véhicules pouvaient parler ? Jessy, chauffeur poids-lourd, explique comment : « Si un poids-lourd me dépasse […] Une fois positionné devant moi, il va me remercier en allumant une fois son clignotant à gauche, puis une fois son clignotant à droite, c’est un code« .

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