Emploi des jeunes : les acteurs mobilisés

[DOSSIER] Depuis le mois de janvier, l’inscription des jeunes âgés de 16 à 25 ans à France Travail est à la fois obligatoire et automatique. Conséquence : entre le premier trimestre 2024 et le premier trimestre 2025, leur nombre a augmenté de 55,6 % en Essonne. Un chiffre en trompe-l’œil qui ne doit pas masquer le travail des acteurs locaux pour accompagner les jeunes Essonniens à s’insérer dans le marché de l’emploi.

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Emploi des jeunes : des difficultés qui s’accumulent

Si les chiffres de l’emploi des jeunes sont un élément à prendre en compte, la réalité du terrain en est une autre, et lors de son assemblée générale du jeudi 26 juin dernier, les responsables de la Mission locale des 3 Vallées (ML3V) se sont inquiétés de l’évolution de la situation.
A l’œuvre sur un tiers des communes du département, 70 exactement, représentant 35 % du territoire et 17,5 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans, répartis entre zones urbaines, périurbaines et rurales, la ML3V possède une vision large du sujet de l’insertion professionnelle des jeunes, et ce que ses responsables voient les interpellent aujourd’hui.
« Il est inquiétant de voir de plus en plus de jeunes avec des difficultés cumulées. Il y a un problème de formation, mais aussi bien souvent un ou plusieurs autres problèmes, de logement, de citoyenneté ou administratif », rappelait Emmanuel Merian, directeur adjoint de la ML3V lors de l’assemblée générale.
Des difficultés cumulées, cela veut dire une insertion professionnelle plus compliquée. « Alors que nous avons le même public, soit à peu près 3 000 jeunes suivis, le nombre des entrées en emploi a diminué de 20 %, passant de 1 830 en 2023 à 1 500 en 2024 », a-t-il été précisé.
Ce ne sont malheureusement pas les seuls points d’alerte. De plus en plus de jeunes arrivent « complètement paumés ». Le nombre de jeunes mineurs accueillis est également en augmentation avec pour les missions locales un vrai problème : « on leur propose quoi ». Il y a aussi la problématique des formations professionnelles qui pourraient être assurées « mais ne sont pas suffisantes en nombre, ni qualitatives ».

Le danger d’un parcours parsemé d’aides

Sur la diminution des entrées en emploi, l’évolution à la baisse de 23 % des aides aux entreprises inquiète. C’est le cas sur l’alternance, qui représente 200 des 1 500 entrées en emploi de l’année 2024.
La fin des contrats unique d’insertion est aussi une source d’inquiétude. « La fin dès CUI avec les entreprises dès août dernier a mis un coup d’arrêt. On va arrêter maintenant le dispositif vers les collectivités et les associations qui va nous faire tomber à 0 », souligne le directeur adjoint.

Lors de l’assemblée générale qui s’est déroulée le jeudi 26 juin, les responsables de la Mission locale des 3 Vallées ont fait passer un message d’alerte sur la situation des jeunes. Photo Le Rep.


Seul dispositif qui a le vent en poupe, le Contrat d’engagement jeune, qui permet notamment d’allouer des ressources aux jeunes, de l’équivalent d’un RSA. A l’échelle de la ML3V, cela représente 1,8 million d’euros en 2024.
« Cela représente une hausse de 13 %, mais est-ce un bon signe. Cela pose la question de l’orientation des politiques publiques,. Vont-elles dans le bon sens, met-on l’argent là où cela doit être la priorité. Ne risque-t-on pas de créer une dépendance et, finalement, est-ce cela insérer ? Créer un parcours parsemé d’aide », s’est interrogé Damien Privat, directeur de la ML3V. Se pose également la question de la soutenabilité dans la durée d’une telle philosophie, particulièrement dans le contexte budgétaire nationale. « Les jeunes sont dans l’attente, on doit les aider. Mais parfois, on ne va pas jusqu’au bout de notre travail d’insertion professionnelle. On ne doit pas être seulement là pour compenser », résume le directeur.

Des Comités locaux pour l’Emploi créés

La veille de ce rendez-vous, le Comité local pour l’Emploi du Sud-Essonne a été installé le mercredi 25 juin, par la Préfète déléguée pour l’égalité des chances Julie Bouaziz. Ces comités locaux ont été créés dans le cadre de la loi pour le plein-emploi qui porte l’ambition d’un emploi pour tous à travers un accompagnement socioprofessionnel renforcé des personnes qui en ont le plus besoin, et une transformation du service public de l’emploi. Mieux accompagner les demandeurs d’emploi, fluidifier et définir des parcours en vue de les améliorer dans un souci de retour vers l’emploi plus rapide et efficace et de mieux répondre aux besoins des employeurs font partie des objectifs. « Le comité local pour l’emploi du Sud-Essonne doit identifier les priorités d’actions en réponse aux difficultés du marché du travail local, en collaboration avec les collectivités territoriales. Dans le prolongement de ce diagnostic, une feuille de route opérationnelle sera établie pour définir les orientations stratégiques locales en lien avec les axes de travail identifiés au niveau départemental. Lors de cette première réunion, ont particulièrement été soulignées les problématiques rencontrées par les jeunes et par les seniors ainsi que l’enjeu de la formation et de la mobilité », explique la préfète. Deux autres Comités locaux pour l’Emploi seront installés prochainement dans le département afin d’avoir une couverture complète du territoire : l’un à Palaiseau pour les agglomérations de Paris Saclay, Cœur d’Essonne Agglomération et la Communauté de communes du pays de Limours ; l’autre à Evry-Courcouronnes pour les agglomérations de Grand Paris Sud et du Val d’Yerres Val de Seine.

La socio-esthétique, un aspect à prendre en compte

La Mission locale des 3 Vallées a mis en place une action collective « Une tenue pour tous », afin de travailler sur l’apparence des jeunes dans leur parcours d’insertion. Cela peut paraître anecdotique, mais l’apparence est un enjeu essentiel. On a en effet une seule fois l’occasion de faire une bonne première impression. Et cette première impression passe par la tenue et la posture des jeunes qui viennent à un entretien d’embauche.
Les lundi 17 février et mardi 25 mars derniers, deux ateliers se sont déroulés en présence d’une dizaine de jeunes. Pour les jeunes participants, ils ont pu appréhender l’autre enjeu majeur derrière celui de l’apparence, celui de l’estime de soi et de la confiance.
En lien avec Lucille Degast de l’association La Beauté Solidaire, et du magasin Kiabi de Breuillet, l’atelier a commencé par un temps d’échange sur le monde professionnel, les métiers du commerce, les attentes des employeurs et l’importance de l’image de soi en entreprise.
Dans un second temps, les jeunes, avec la directrice du magasin et les animatrices de la mission locale, ont pu choisir une « tenue professionnelle » pour un budget ne devant pas dépasser les 70 euros.
« Arriver en jogging ou en legging à un entretien est à proscrire. C’est bien sûr une mauvaise image qui est renvoyée, mais c’est également une tenue qui handicape la confiance, qui enferme dans une spirale d’échec », insiste Lucille Dugast.
Il ne s’agit pas pour autant de s’habiller avec des vêtements de luxe, mais de trouver une tenue qui corresponde aux codes de l’entreprise et de l’activité pour laquelle on postule, et dans laquelle on se sent également à l’aise.
Le premier atelier du lundi 17 février a déjà permis de faire évoluer les situations des jeunes, avec dans les semaines qui ont suivi, deux qui ont pu entrer en emploi, en CDI pour l’un et en CDD pour l’autre. L’un deux était présent et a remercié vivement les conseillers de la ML3V qui l’ont accompagné. « Ce n’était pas des vêtements que j’avais l’habitude d’acheter. J’ai vu un changement dans le regard des personnes en face de moi, lors des entretiens, et après j’ai gagné confiance en moi », a-t-il expliqué.

La Mission locale Sud-Essonne a été labellisée

Cette étape a été marquée officiellement lors d’une cérémonie qui a eu lieu le jeudi 26 juin.
Après la Mission locale des 3 Vallées, labellisée en 2024, la Mission locale Sud-Essonne (MLSE) est désormais la deuxième du département à voir la qualité de son travail d’accompagnement des jeunes reconnu.

L’équipe de la Mission locale Sud-Essonne.


« Ce sont près de 1 700 jeunes qui sont accompagnés de manière individualisée, avec des formations ciblées, et une action soutenue sur l’ancrage territorial », a rappelé Guy Crosnier, président, lors de cette cérémonie qui a eu lieu à l’espace Tony Gallopin de l’Ile de loisirs d’Etampes. Cela a surtout été l’occasion de remercier l’ensemble du personnel de la MLSE dont le territoire couvre 45 communes du sud du Département.

Faire des Missions locales un réflexe naturel

[ENTRETIEN] Isabelle Perdereau a été élue présidente de l’Association régionale des Missions locales d’Île-de-France ce mardi 24 juin.

Isabelle Perdereau. Photo DR

Le Républicain : « Avec la création de France Travail, une sorte de flou entoure les missions de chacun pour accompagner la population vers l’emploi. Votre nouvelle fonction va-t-elle vous permettre de défendre les missions locales ?
Isabelle Perdereau  : « Ma nomination à la présidence de l’Association régionale des Missions locales d’Île-de-France (ARML IDF) s’inscrit dans une volonté claire : défendre et affirmer le rôle stratégique des Missions Locales dans l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans. Je mesure l’honneur de cette confiance, et je remercie les membres du conseil d’administration, ainsi que Jacques Crosnier, président sortant, pour son travail et son implication dans la consolidation du réseau.
L’ARML IDF fédère 60 structures sur tout le territoire. En 2024, près de 183 000 jeunes de 16 à 25 ans ont été accompagnés. Ce chiffre illustre non seulement l’ampleur de notre action, mais aussi notre capacité à répondre aux besoins de la jeunesse avec proximité et réactivité grâce à un maillage complet de l’ensemble du territoire francilien.
Dans un contexte de transformation institutionnelle avec la création de France Travail, il est essentiel de défendre clairement l’identité, les spécificités et la plus-value des Missions locales. Face à un paysage en recomposition, ma priorité est de porter une voix unie, lisible et structurée, en rappelant que nous sommes les opérateurs de proximité par excellence en matière d’insertion des jeunes.
Forte de mon expérience d’ancienne élue régionale, je connais les enjeux du dialogue avec les institutions. Je m’attacherai à faire entendre la voix du réseau auprès de la Région Île-de-France, de la DREETS et de l’ensemble de nos partenaires. J’aurai à cœur de valoriser nos réussites, nos expérimentations, et de porter des propositions concrètes dans les comités régionaux pour le plein emploi.
Enfin, je tiens à souligner l’importance du lien entre insertion et économie. Les Missions Locales sont les opérateurs de référence dans le déploiement des dispositifs publics en lien avec les réalités des bassins d’emploi. En tissant des partenariats avec les chambres consulaires et les branches professionnelles en tension, nous contribuons à orienter et former les jeunes vers des secteurs porteurs. Chaque insertion réussie est une opportunité économique pour nos entreprises, nos associations, et pour la vitalité de nos territoires.
C’est avec détermination que je mènerai cette mission, au service de notre jeunesse francilienne.

Le Républicain : Il existe aujourd’hui un enjeu majeur de financement. Estimez-vous qu’il y a un décalage entre les discours pour l’insertion des jeunes dans l’emploi et la réalité des actes ?
Isabelle Perdereau  : Depuis 2023, le réseau des Missions locales subit une baisse notable de ses financements, d’abord du côté des collectivités territoriales – notamment la Région Île-de-France – puis de l’État en 2025. Et ce, alors même que la fréquentation de nos structures ne cesse d’augmenter. Cette situation illustre une contradiction majeure : on attend de nous davantage, avec des moyens moindres. Ce déséquilibre n’est plus tenable.
Les jeunes que nous accompagnons ont des profils très variés : décrocheurs scolaires, jeunes diplômés, en recherche d’emploi, en questionnement sur leur orientation… Tous nécessitent un accompagnement individualisé, sur mesure, qui demande une réelle disponibilité – malheureusement de moins en moins reconnue et soutenue financièrement.
À cela s’ajoute une complexité administrative croissante. Chaque nouveau dispositif de financement s’accompagne de normes spécifiques, souvent redondantes, qui mobilisent nos équipes sur des tâches de gestion au détriment de leur cœur de métier : l’accompagnement humain.
Dans un contexte budgétaire tendu, il est impératif de simplifier les procédures, de mieux articuler les dispositifs et d’éviter leur empilement. Nous avons besoin d’appels à projets qui se complètent, pas qui se superposent. C’est à ces conditions que nous pourrons renforcer notre efficacité, améliorer la lisibilité de notre action, et surtout, mieux répondre aux besoins réels des jeunes.

Le Républicain : Le rôle des Missions locales est souvent sous-estimé et on imagine souvent qu’elles ne s’adressent qu’aux jeunes peu ou pas diplômés. Une idée reçue à combattre ?
Isabelle Perdereau  : Nous accompagnons tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans distinction, quels que soient leur parcours, leur niveau d’études ou leurs besoins. Qu’il s’agisse d’une simple demande d’information ou d’un accompagnement plus approfondi, chacun peut trouver une écoute et un appui adapté.
Notre force ? Un accompagnement global et personnalisé qui dépasse largement la seule insertion professionnelle. Les conseillers des Missions Locales interviennent sur de nombreux volets : accès aux droits, orientation, lutte contre le décrochage scolaire, découverte des métiers, formations, stages, remise à niveau, soutien aux jeunes en situation de handicap, sortants de l’Aide sociale à l’Enfance, ou encore jeunes sous-mains de justice… jusqu’à l’apprentissage, l’accès à l’emploi et le lien direct avec les entreprises.
Ancrées dans leur territoire, les Missions locales sont des structures agiles, capables de s’adapter aux réalités locales et aux besoins spécifiques de chaque jeune. Ce réseau de proximité est un véritable atout.
Notre enjeu majeur aujourd’hui est de faire du recours à la Mission Locale un réflexe naturel pour les jeunes eux-mêmes, mais aussi pour leurs familles, les établissements scolaires, les travailleurs sociaux et les institutions. Accompagner chaque jeune vers un avenir choisi et construit, c’est notre mission, notre engagement… et notre fierté ».

Teddy Vaury
Teddy Vaury
Teddy Vaury est rédacteur en chef du Républicain de l'Essonne. Il travaille au sein de l'hebdomadaire départemental depuis 2006.
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