Portrait en Essonne : le Viet Vo Dao, une affaire de famille chez les Tabarin

Dans la commune d’Ollainville, une famille se distingue par sa passion pour un art martial vietnamien, le Vovinam-Viet Vo Dao.


Chez la famille des Tabarin, cette discipline est devenue une affaire de famille. Nicolas, le père, Léa, la fille aînée, Lucas, le fils cadet, et les jumeaux Noah et Sacha, tous pratiquent le Vovinam-Viet Vo Dao. Cet art martial, originaire du Vietnam, est reconnaissable pour sa figure emblématique et spectaculaire des ciseaux volants où le sportif met au sol son rival en agrippant ses jambes à 45 degrés au-dessus de la nuque. Une prouesse que Nicolas Tabarin maîtrise en tant que ceinture noire 4e dang.


Celui qui est à la tête de cette fratrie sportive s’est initié à l’âge de 20 ans à la suite d’une agression physique dans la rue. Il y a trouvé bien plus qu’un moyen de se défendre : « En 2002, j’ai été passé à tabac à 5 contre 1, cette histoire m’a perturbé et m’a amené à tester tous les arts martiaux, c’est le Viet Vo Dao qui m’a le plus convaincu ». Ici, tous les coups sont permis dans les règles de l’art et il s’épanouit dans une discipline qu’il qualifie de « très complète » où tout repose sur un équilibre subtil entre force et souplesse en fonction de la distance avec l’adversaire. La devise est claire : être fort pour être utile.


Une évidence qui colle à la peau


Nicolas Tabarin se classe très vite parmi les adhérents les plus assidus de la section Viet Vo Dao du Club des arts martiaux de Ballainvillers/Saulx-les-Chartreux. « J’étais à dix heures d’entraînement par semaine, il fallait que j’apprenne à canaliser ma colère après l’agression, confie-t-il. J’ai trouvé en plus dans ce sport, une discipline et une philosophie de vie. » Douze ans après ses débuts, il participe à la 4e édition de la Coupe du monde 2014 de Paris avec celui qui lui a tout appris. Ensemble, ils remportent la médaille d’argent dans la catégorie Song Luyen Vat, un combat corps-à-corps codifié à deux. « Mon enseignant était déjà maître, il n’avait plus rien à prouver, mais je l’ai poussé à se remettre dans la compétition avec moi et c’était une fierté d’avoir mon premier podium international à ses côtés », se remémore le grand sportif devenu maître aspirant à son tour en 2022. Ce grade met à l’honneur sa persévérance et l’encourage aussi bien à se surpasser dans les compétitions qu’à enseigner sa passion aux petits et aux grands. Il porte désormais une ceinture rouge cerclée de jaune sans barrette au-dessus de son kimono bleu, appelé Vo Phuc.


Une famille de compétiteurs nés


Devenu père à 26 ans, il a transmis sa passion à quatre de ses cinq enfants. Le plus jeune, Eden, est encore trop petit pour suivre la fratrie, mais l’envie est déjà présente à seulement 2 ans de vouloir faire comme Léa, 15 ans, Lucas, 11 ans, Noah et Sacha, 8 ans. « Pour nous, le Viet Vo Dao, c’est comme dormir, manger, c’est devenu un mode de vie et je sais qu’ils sauront se défendre s’ils se font agresser », affirme le père de famille qui confie être plus strict sur le tatami qu’à la maison.


Avec une famille nombreuse composée de cinq sportifs amenés à faire des compétitions en France et à l’étranger, chaque dépense est réfléchie, et chaque année, ils partent tous ensemble dans une nouvelle ville pour concourir. « J’ai la chance d’avoir une compagne qui m’a toujours soutenu et permis de vivre ma passion pleinement, sourit Nicolas Tabarin. Avant, elle s’occupait des enfants quand j’allais à l’entraînement ou en compétition. Aujourd’hui, elle ne pratique pas, mais elle aime nous accompagner lors des compétitions importantes. »


Dans ces temps forts, Nicolas doit jongler entre plusieurs casquettes : maître, juge, enseignant et parfois même organisateur. « Il y a un côté frustrant à ne pas pouvoir féliciter mes enfants, mais ce sont les règles du jeu, j’entends mon nom à toutes les tables et je dois me détacher. Ils savent que les félicitations sont célébrées une fois dans la voiture et à la maison et le fait qu’ils ramènent des médailles dans le coffre, la fierté est encore plus forte », appuie Nicolas Tabarin. « On sait qu’il a des obligations en tant que maître et on est très contents qu’il soit à ce niveau », explique Léa, l’aînée.

Aux couleurs d’Ollainville


Depuis l’année dernière, la famille ne s’entraîne plus au club de Ballainvilliers/Saulx-les-Chartreux, mais à Ollainville, ville de résidence des Tabarin depuis 2013. Nicolas a ouvert une section Viet Vo Dao au sein de l’Association Sportive d’Ollainville (ASO). Les cours ont lieu les mercredis après-midis dans le dojo du nouveau gymnase Clarisse Agbégnénou, inauguré avec la judokate le 23 mars 2024. Un mois auparavant, le responsable de la section a reçu la médaille de la ville d’Ollainville à l’occasion des vœux du maire, Jean-Michel Giraudeau, et de son Conseil municipal. « Maintenant, si je peux porter les couleurs de ma ville, je les porterai avec l’ASO », s’enthousiasme l’enseignant.


Les résultats sont là : les cinq membres de la famille ont participé à la Coupe d’Europe 2024 de Limoges. Léa, 15 ans, a décroché la 1re place au Khai Mon Quyen, catégorie mêlant des techniques de sabre, de blocages, de coups de poing et de coude (10-14 ans), Lucas s’est hissé à la 3e place dans la même discipline pour les moins de 10 ans. Ensemble, ils ont terminé 1ers en équipe avec leur camarade Lucile dans l’épreuve phare du Khai Mon Quyen synchronisé. Nicolas est reparti avec une 4e place au bâton. Les jumeaux ont fini 4e et 5e.


En janvier dernier, ils ont aussi brillé lors de la Coupe d’Ile-de-France 2024 de Longjumeau : Sacha et Noah ont partagé le podium sur le parcours technique avec respectivement, une 1re et une 3e place. Tous deux sont repartis avec le statut de champion régional. Léa, qui rejoint cette année les cours adultes, est décrite par son père comme « parfaite : elle réussit tout ce qu’elle entreprend et je sais qu’elle ira loin, tout comme ses frères qui ont déjà de grandes qualités pour progresser et qui sont très motivés ».


Quand on demande à Noah les qualités de ses frères et sœur, il répond qu’ils sont tous « beaux, intelligents et forts », ce qui met des étoiles dans les yeux de la fratrie. « L’hypersensible de la famille » était de nature angoissée, mais en pratiquant le Viet Vo Dao depuis l’âge de 5 ans, il a gagné en confiance en lui, aussi bien sur le tatami qu’à l’école. Lucas, de son côté, est « l’ultra cool de la famille qui ne stresse jamais la veille des compétitions » et cette année, il a ajouté à son emploi du temps de collégien, du football et du basket-ball. C’est sûr, il déborde d’énergie comme son petit frère Sacha qui est toujours le plus motivé à aller à l’entraînement.


Nicolas Tabarin voit dans ce sport des bienfaits pour toute la famille : « Le Viet Vo Dao leur a donné une discipline et je suis fier de mes enfants en tant que père, en tant qu’enseignant et en tant que maître ».

Aurélie Corvisy
Aurélie Corvisy
Journaliste dans le Sud de l'Essonne. Elle travaille au sein de la rédaction depuis 2019.