Draveil : après un nouveau vote du budget 2025, la bataille politique se poursuit

Lors du conseil municipal du 7 août, la majorité municipale de la ville de Draveil (Essonne) a finalement pu faire adopter son budget, après une première mouture qui a fait l’objet d’un examen par la Chambre régionale des comptes.

Il est rare qu’un conseil municipal, à fortiori un groupe majoritaire, donne à voir de manière si publique les dissensions qui l’habitent. D’ailleurs, certains au sein de l’assemblée n’en doutent pas : il y a dans l’air le parfum des élections à venir l’année prochaine. Au cœur de la controverse : le budget primitif 2025 de la Ville de Draveil, texte à la fois si banal et si crucial dans la vie d’une commune. Après avoir rencontré des déboires, les élus fidèles au maire Richard Privat sont enfin parvenus à le faire adopter, à 22 voix contre 11, lors du conseil municipal du 7 août. Fin de ce parcours difficile ? Pas sûr.

Pour comprendre, il faut remonter au lundi 28 avril, date à laquelle la première version du budget a été présentée au conseil municipal. Déjà alors, des remous se font sentir : si le budget est adopté, quatre élus de la majorité, dont trois adjoints, refusent de prendre part au vote. La sanction est rapide et l’édile de Draveil ne s’en cache pas : dans un communiqué du 6 mai, Richard Privat annonce retirer leurs délégations à Typhaine Bouby, Stéphane Guin et Régis Philippe. « Dès la présentation du Rapport d’orientation budgétaire [Rob, ndlr], nous avons bien vu que tout cela était assez flou, qu’il y avait des incohérences dans les écritures : des restes à réaliser non-intégrés, des dépenses d’investissement déclarées sans être réalisées…, affirme Klerwi Landrau, élue au conseil municipal, ancienne membre de la majorité et elle aussi limogée de son poste d’adjointe il y a deux ans pour avoir déjà exprimé des doutes quant au budget communal. Le maire ayant refusé d’écouter les alertes issues de sa propre majorité, certains ont décidé de ne pas voter. »

Qu’à cela ne tienne : les « dissidents », tels que les qualifie Richard Privat dans de récentes déclarations, alertent la préfecture de l’Essonne sur des « irrégularités » dans ce budget. Sollicitation fondée, estiment les services de l’Etat, considérant que le budget n’avait pas été voté en équilibre réel. Elle saisit alors à son tour la Chambre régionale des comptes (CRC). Deux magistrats inspecteurs sont donc dépêchés à Draveil pour y examiner les comptes et établissent un rapport obligeant effectivement la Ville à revoir sa copie. D’où le nouveau vote qui s’est tenu le 7 août, afin de valider cette version révisée du budget.

Une victoire pour la majorité ?

La majorité municipale n’a pas manqué de présenter l’adoption de ce nouveau budget comme une victoire, estimant les modifications apportées par la CRC comme marginales et y voyant même une « confirmation de [sa] gestion rigoureuse ». « Oui, c’est une victoire, clame Laurent Rousset, premier adjoint aux Ressources humaines, aux Finances et aux Affaires scolaires. Déjà parce que le contrôle a permis de montrer que ce budget n’avait rien à cacher et n’était pas « insincère », contrairement à ce qu’ont pu dire les dissidents. Ensuite parce que la CRC n’a pas exigé de hausse d’impôts supplémentaire, au-delà des 3 % que nous avions prévu : c’est rare, nous étions en droit de nous attendre à une augmentation de 10 à 15 %. Au final, tous les investissement prévus sont confirmés et tous les services publics sont maintenus. Le budget était équilibré au global, les modifications ont permis d’inscrire des subventions qui n’étaient pas encore arrivées au moment du premier vote, de retirer des dépenses qui auraient dû être faites et qui ne l’ont pas été (électricité, fluides…). Un budget primitif reste une estimation. »

Une position qui fait pouffer Klerwi Landrau : « Quand la CRC exige deux millions d’euros d’économie sur les investissements, une baisse des dépenses de fonctionnement, je ne crois pas qu’on puisse parler d’une « gestion rigoureuse », ce que le rapport ne dit d’ailleurs jamais. La réalité, c’est que la Ville n’a plus les moyens de fonctionner et puisque qu’elle est déjà très endettée, puisque le levier fiscal a déjà été activé à outrance, trois fois en trois ans, il faudra nécessairement, par la suite, réduire les dépenses de fonctionnement. Au moins, le tir est rectifié pour 2025 mais, après, nous n’avons plus de marge de manœuvre. »

« Manœuvre politicienne »

Même analyse dans l’opposition de Gauche qui, sans surprise cette fois, s’est également positionnée contre ce budget. François Damerval, élu du groupe « Draveil transition démocratique, écologique et sociale », dénonce lui aussi les hausses successives des impôts locaux, « à hauteur de 30 % au total puisqu’il faut également prendre en compte l’augmentation de la base, ce sur quoi la mairie ne communique pas », et des « marges de manœuvre qui se réduisent de plus en plus ». Il déplore en outre une vision « à court terme », évoquant la vente d’un bien communal, entérinée le 3 juillet, au profit de la communauté d’agglomération. « Il n’y a pas de plan qui nous a été présenté, pas d’étude pour savoir si cet espace aurait pu servir à un service public de la Ville. On ne sait pas pourquoi ce bien a été vendu, même si on s’en doute : ces 535 000 € serviront à combler près de 864 000 € de déficit d’investissement constatés par la CRC. On hypothèque notre avenir pour « boucher les trous ». »

Quant à la majorité, elle tombe d’accord avec le groupe de Gauche sur un point : Laurent Rousset évoque une « manœuvre politicienne » de la part des « dissidents », pendant que François Damerval souffle que « c’est un peu facile d’arriver à un an des élections pour dire « Finalement, ce qu’on fait et valide depuis cinq ans, c’est nul » ».

Quoiqu’il en soit, le chemin de croix pourrait bien ne pas s’arrêter là. La CRC doit encore valider ce nouveau budget, ce dont Laurent Rousset ne doute pas, mais il faudra aussi compter sur les oppositions : un recours devant le Tribunal administratif, déposé en juin par Klerwi Landrau, est en attente d’instruction après que la demande de référé ait été rejetée, tandis que François Damerval annonçait saisir à son tour cette institution concernant la vente du bien communal, en raison de « principes énoncés pour la vente non-conformes à la réalité ».

Thibault LE VOT
Thibault LE VOT
Journaliste dans le nord de l'Essonne.
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