Les agriculteurs récoltent des soucis

[Dossier] La moisson 2025 des grandes cultures a été particulièrement précoce cette année, mais pas forcément exceptionnelle. Des quantités et qualités moyennes, auxquelles s’ajoutent des cours décevants, la profession s’inquiète alors qu’elle continue de vivre dans un contexte de défiance qui creuse le fossé entre agriculteurs et opinion publique.

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Une moisson qui ne va pas permettre aux agriculteurs de retomber sur leurs pieds

Particulièrement précoce cette année, la moisson était terminée partout ou presque le 14 juillet, avec deux semaines d’avance sur le calendrier habituel. Mais cette précocité n’est malheureusement pas synonyme de belle année.

Une belle année pour le monde agricole dépend de trois facteurs, sans quoi, comme un tabouret, elle perd son équilibre. Il s’agit du rendement, de la qualité de la production et du prix de vente de la récolte. Cette année, pour l’essentiel des exploitants essonniens, les trois critères ne seront pas réunis. « La récolte est vraiment très hétérogène, avec des bons rendements à certains endroits, et d’autres bien plus moyens sur d’autres », résume Fabien Pigeon, exploitant à Chauffour-lès-Etréchy. Ce n’était hélas pas une surprise, les épisodes météorologiques de l’automne et du printemps.
Au niveau de la qualité des récoltes là aussi il y a des variations et c’est sur le blé, la culture reine de l’Essonne, que c’est le plus aléatoire. « On est au niveau d’une moyenne sur 10 ans pour certains, mais pour d’autres c’est beaucoup moins bien. Par exemple à Chauffour c’est conforme à cette moyenne tandis qu’à Torfou à quelques kilomètres on fait une mauvaise récolte », ajoute-t-il. Sur le colza, les résultats sont positifs pour la plupart des exploitants.


Sur des cultures plus marginales, les situation sont diverses. ainsi pour les petits pois, cela s’annonce plutôt positif. Pour les betteraves par contre, les agriculteurs craignent une mauvaise année. Fin juillet, après une longue période sans eau, les cultures subissaient une période de stress et la jaunisse commençait à apparaître dans les parcelles. « Nous sommes ici en plein dans le scénario auquel doit répondre la loi Duplomb » complète Fabien Pigeon.

Des secteurs touchés par les intempéries

Dans d’autres secteurs, la situation est plus compliquée. C’était le cas dans le nord et nord-ouest du département, depuis Limours en passant par Vert-le-Grand jusqu’à Auvernaux. Ces secteurs ont subi beaucoup plus d’intempéries que le sud-Essonne et cela se ressent sur les cultures. « Compte tenu de l’automne et de l’hiver puis du printemps sec qu’on a eu, cela aurait pu être largement pire. C’est plutôt bon pour le colza, mais sur le blé et les orges de printemps il y a des grosses gamelles avec des gars qui souffrent vraiment. On a plutôt souffert cette année dans notre secteur », indique Nicolas Galpin, exploitant installé à Auvernaux.
Les deux premiers facteurs d’une bonne année ne sont donc pas forcément réunis pour l’ensemble des agriculteurs essonniens. Quant au troisième, il n’est présent pour personne. En effet, les prix de vente sur les cours mondiaux sont aujourd’hui inférieurs aux coûts de production. « Les cours sont inférieurs à nos coûts de production », résume Fabien Pigeon. Une perspective plutôt sombre alors que les deux dernières années ont été loin d’être bonnes.

« Les cours sont inférieurs à nos coûts de production »

« Certaines trésoreries sont déjà dans le rouge. Beaucoup vont encore vendre à perte cette année, et cela ne va pas améliorer la situation. On commence vraiment à se poser des questions lorsque cela arrive trois années consécutives », ajoute-t-il. « Je pense qu’il va y avoir un gros problème de trésorerie dans les exploitations », anticipe Jean-Marc Foucher, président de la Coopérative Île-de-France Sud. Et dans un contexte où les coûts de production eux, ne diminuent pas. L’effet ciseau est donc particulièrement défavorable.
Ajoutez à cela des betteraves atteintes de la jaunisse, un agri-bashing tournant à plein autour de la loi Duplomb, certains craignent que la seule issue pour certains soit dramatiques. « Il va nous falloir être extrêmement vigilants et attentifs les uns avec les autres », anticipe Nicolas Galpin qui craint une augmentation des suicides dans la profession.

Loi Duplomb et pétition, le sujet qui fâche

Très attendu par la majeure partie des agriculteurs, le débat autour de la loi Duplomb crispe la profession.

Lorsqu’au début de l’année 2024 la France a vécu au rythme de la mobilisation du monde agricole, tout le pays soutenait leurs revendications. Celles-ci pouvaient se résumer à une phrase « laissez-nous travailler ». Le conflit avait pris fin avec la promesse d’une loi grande loi agricole, actant notamment le principe de souveraineté alimentaire.
Depuis, un certain nombre de sujets ont évolué favorablement. « Certaines choses ont bougé au niveau administratif, et on sent que la préfecture et les services de l’Etat essaient réellement de nous simplifier la vie », indique Fabien Pigeon, exploitant à Chauffour-lès-Etréchy.
Mais il fallait également que le législateur agisse et la loi dite Duplomb était une réponse très attendue. « Il y a dans cette loi tout ce qu’on attend encore », complète le chef d’exploitation. La campagne médiatique autour de cette loi, la pétition qui a suivi rassemblant plus de 2 millions de signature suscite incompréhension et colère. « Cela me met le moral dans les chaussettes. Il y a un réel fossé entre le monde agricole et une partie de la population, bien que l’on travaille au quotidien pour expliquer ce que l’on fait, et dans quel contexte », regrette Nicolas Galpin, agriculeur à Auvernaux. « C’est le paradoxe français, on veut tout et son contraire. On se demande pourquoi on se casse le cul », résume de manière lapidaire Fabien Pigeon.
A cela s’ajoutent le personnel politique « démago » qui « joue sur les peurs », voire même « ment ». « Et dans cette question où l’on réagit sur l’instant sans se poser les questions de fond, c’est ravageur », résume Nicolas Galpin.
Les agriculteurs rappellent la nécessité de leur donner le temps de disposer de solutions alternatives pour éviter la disparition de filières entières, comme celle du sucre, alors que la culture de la betterave est menacée. « On a besoin de trouver des solutions génétiques, comme c’est le cas déjà pour les orges d’hiver aujourd’hui », indique Nicolas Galpin.
Se passer des produits oui, mais pas à n’importe quel prix, et sûrement pas celui de l’agriculture française. Ils craignent donc les réactions à cette pétition, qui a beaucoup de signataires, mais le monde agricole s’interroge  : celle-ci est-elle plus légitime que le vote du Parlement et celui des députés qui ont été élus par plus de 28 millions de votants le 7 juillet 2024 ? La réponse est dans la question, mais cela peut interpeller sur ce que vaut la démocratie aujourd’hui en France. Le dernier coup sur la tête a été la décision du Conseil constitutionnel, perçue par beaucoup comme un acte d’abord politique.

Egly accueillera le Festival de la Terre en septembre

La 70e édition de l’événement sera organisée par les jeunes agriculteurs d’Île-de-France Ouest en partenariat avec Cœur d’Essonne agglomération les 20 et 21 septembre prochain à Egly.

Cet événement festif sera de retour en Essonne cette année. L’occasion pour les agriculteurs d’accueillir la population et d’échanger avec elle sur son métier dans un cadre détendu propice aux discussions.
Cette édition s’annonce particulièrement réussie avec un beau programme pour petits et grands. Les enfants pourront profiter d’un grand nombre d’animations, et découvrir la ferme pédagogique et ses animaux. Les plus grands pourront déguster les produits made in Île-de-France avec un grand marché fermier réunissant les producteurs de la région. Une large offre de restauration locale sera également disponible, permettant de goûter les produits proposés à la vente. Enfin, il sera même possible de faire des baptêmes en hélicoptère. Une belle journée à laquelle le public est invité à venir participer, en famille ou entre amis.

Renseignements : facebook.com/festivaldelaterreIDF

Teddy Vaury
Teddy Vaury
Teddy Vaury est rédacteur en chef du Républicain de l'Essonne. Il travaille au sein de l'hebdomadaire départemental depuis 2006.
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