« Derrière le masque » : plongée dans l’intimité de la vie d’un rappeur

L’artiste Kien, de Saint-Michel-sur-Orge, a réalisé un film documentaire sur sa carrière musicale et personnelle.
Accompagnée de quelques notes de piano en fond sonore, la caméra se déplace lentement sur le parvis du collège Nicolas Boileau, avant d’entrer pour de bon dans l’une des classes de l’établissement. De dos, un homme que l’on devine plus âgé qu’un collégien est installé à une table, stylo à la main. « Tout a commencé, je me souviens, ici ». Ainsi démarre le moyen-métrage documentaire « Derrière le masque », publié sur la plateforme YouTube le 19 novembre et qui a eu les honneurs d’une avant-première au centre culturel Baschet de Saint-Michel-sur-Orge dans le cadre du Festival des cultures urbaines.
Et pour cause, le film offre une expérience fascinante et pour le moins ancrée dans le tissu local. Une plongée intime dans l’existence d’un rappeur saint-michellois passionné de mots et de musique. De ses premiers couplets couchés sur papier au collège jusqu’aux succès et aux épreuves, en passant par la gestion de la notoriété, l’artiste Kien nous invite ainsi dans son intimité, tout au long d’un peu moins d’une heure de film.

Un projet au long cours

Aujourd’hui âgé de 42 ans, Kien a évidemment bien évolué par rapport à ses débuts au collège Boileau. Celui qui a commencé sous le nom de « Shark » – surnom glané grâce à sa coupe de cheveux de l’époque – est un homme nouveau. Et pas seulement du point de vue capillaire. Une évolution qu’il a souhaité transmettre à travers ce projet au long cours. « Cela fait cinq ans que m’est venue l’idée de raconter mon histoire en musique et en vidéo, se rappelle Kien. Mais cela représentait un investissement en temps et en finances que je ne pouvais pas forcément me permettre. Quand j’ai rencontré ma compagne il y a deux ans [ndlr : elle-même artiste de slam], elle m’a un peu poussé à me lancer. J’avais déjà les images dans ma tête, un storyboard au sens large ».

« Je trouve important de pouvoir partager mon histoire à travers la musique, car c’est elle qui m’a moi-même ouvert. »


Il faut dire que le rappeur avait bien des choses à dire. Avec près de 260 morceaux publiés sur Internet, l’artiste a désormais visiblement suffisament d’expérience pour savoir ce qu’il désire transmettre, dans son style très « rap conscient ». Preuve en est, les réactions de tous les publics lors de ses interventions, notamment en milieu scolaire. « Je trouve important de pouvoir partager mon histoire à travers la musique, car c’est elle qui m’a moi-même ouvert. Au fil de mon parcours, j’ai pu en quelque sorte « sortir de ma banlieue » grâce aux rencontres que j’ai pu faire. C’est une histoire que j’aurais sans doute aimé connaître plus jeune et que je peux aujourd’hui transmettre. »

Le plaisir avant la notoriété

Parmi les jalons de la vie de Kien qui forment le fil rouge du film, on peut noter d’une part le peu d’appétence de l’artiste pour la célébrité. Une vision qui s’incarnera, à l’instar de deux célèbres artistes électro, par le port d’un masque. Ici, pas de robot à l’horizon, mais un masque de clown triste. « Pour avoir un peu évolué dans le milieu de la musique, j’ai pu observer de mes yeux les mauvaises « vibes » que cela peut impliquer, explique t-il. Avec l’idôlatrie, on peut vite vriller et prendre la grosse tête. C’est quelque chose qui m’a vraiment choqué et je me suis dit que ce n’était pas ce que je voulais. » Autre axe fort et touchant du film musical, les épreuves que Kien a traversé en tant qu’homme occupent une large place, à l’image de ses relations délicates avec son père et d’un drame personnel, avec la perte de ses deux enfants. Le film leur est d’ailleurs dédié à tous les trois.


Si la publication de son film marque indéniablement « une boucle qui se termine », l’artiste ne compte pas pour autant s’arrêter là. Toujours avec des envies de plaisir plutôt que de notoriété dans sa carrière musicale – il n’a d’ailleurs jamais publié d’album complet, malgré un important nombre de morceaux – il y a fort à parier que Kien sera bientôt de retour dans les oreilles des amateurs de rap. Avec des « envies de choses plus lumineuses, plus positives », mais en laissant dans tous les cas à la postérité une œuvre cinématographique sincère et inspirante.

Robin LANGE
Robin LANGE
Journaliste dans le nord de l'Essonne. Il traite notamment les sujets de Paris-Saclay.
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