[DOSSIER] Le logement est une préoccupation majeure des Franciliens. Ils y consacrent une part plus importante de leur budget que la moyenne des Français, 27 % de plus exactement. Cela pèse lourd dans leur perception du sujet, particulièrement pour ceux qui ont l’ambition d’accéder à la propriété, alors que de nouveaux critères comme l’efficacité énergétique apparaissent également.
A lire dans ce dossier :
- La suspension de MaPrimeRénov’, un défi de plus pour un secteur sous tension
- Les modes de vie affectent la capacité à accéder à la propriété
- Un modèle existe pour adapter son logement
La suspension de MaPrimeRénov’, un défi de plus pour un secteur sous tension
Alors que l’Essonne, comme l’ensemble de l’Ile-de-France a besoin de produire plus de logements, les défis s’accumulent pour faire face à la demande.
Quand le bâtiment va, tout va. Ce dicton, tout le monde le connaît, mais les nuages semblent s’accumuler aujourd’hui, avec l’annonce, le mercredi 4 juin dernier, de la suspension provisoire du dispositif MaPrimeRénov’ qui vise à accompagner financièrement les propriétaires de logements effectuant des travaux de rénovation énergétique.
Cette annonce a jeté un coup de froid sur un secteur qui souffre déjà d’un ralentissement d’activité qui dure avec une activité ayant encore chuté de 3 % en France en 2024 et un nombre de mises en chantier ayant atteint un niveau historiquement bas, le tout ayant pour conséquence la perte de leur emploi pour 30 000 salariés du secteur. Dans ce contexte, l’annonce de la suspension du dispositif MaPrimeRénov’ ne pouvait pas manquer de déclencher la colère des entrepreneurs du bâtiment.
Le coup de colère de la FFB de l’Essonne
« C’est un véritable coup d’arrêt pour des centaines d’entreprises qualifiées RGE qui ont investi massivement pour répondre aux enjeux de la transition écologique, déclare Fabien Daurat, président de la FFB Essonne. Cette décision, prise sans concertation, fragilise des structures qui forment, recrutent et innovent depuis des années ».

Sur le terrain, l »inquiétude est forte. « Les chantiers de rénovation énergétique de logements ne représentent peut-être qu’une petite part des factures sur une année, mais c’est une grosse part de mon chiffre d’affaires », confie Fabrice Mercier, gérant de la menuiserie Baum Retec à Etampes. Il estime à environ 20 % de son chiffre d’affaires annuel les chantiers effectués via le dispositif MaPrimeRénov’. « Cela va mettre un gros coup d’arrêt à l’activité », anticipe-t-il. Chez les agents immobiliers, certains craignent un nouveau coup de frein sur le marché, alors que les acquisitions de bien se réalisent souvent de pair avec une rénovation énergétique. Bref, la morosité, jamais bien loin, est de retour au premier plan. Si la ministre du Logement Valérie Létard insiste sur la sancturarisation du budget dédié, et que la ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin a annoncé la reprise du dépôt des dossiers pour le 15 septembre, le mal est fait. Les acteurs économiques ont horreur de l’instabilité et du flou.
La construction de logements neufs au ralenti
Ce possible coup d’arrêt à la rénovation énergétique des logements intervient alors que la construction de logements neufs souffre elle aussi fortement.
Chaque année en Ile-de-France, plus de 70 000 nouveaux logements seraient nécessaires pour répondre à la demande, selon l’Institut Paris Région. Or, en 2023, seulement environ 60 000 constructions de logements ont été autorisées, un chiffre alors en baisse. En Essonne, la tendance est négative. Au 3e trimestre 2024, le nombre de logements autorisés était de 1 930 en Essonne, en diminution de 12 % par rapport au trimestre précédent. Sur la période de novembre 2023 à octobre 2024, le nombre de logements autorisés était de 6 170, une diminution de 26,2 % par rapport aux douze mois précédent.
Enfin, s’ajoute l’enjeu du coût du logement en Ile-de-France. Les prix de l’immobilier ont augmenté de 185 % entre 2002 et 2020 dans la Région, tandis que les revenus des Franciliens ne progressaient dans le même temps que de 33 %. Résultat aujourd’hui, 76 % des Franciliens sont éligibles à un logement social, selon l’Institut Paris Région. Un chiffre certainement bon à rappeler à ceux qui s’opposent à la construction de logements dits sociaux dans leur commune.
Les modes de vie affectent la capacité à accéder à la propriété
Si 67 % des Franciliens non-propriétaires de leur résidence principale déclarent que devenir propriétaire est un objectif prioritaire (25%) ou important (42%), cela leur est de plus en plus difficile.
Le coût du logement pèse évidemment lourd dans cette difficulté. En grande couronne, une personne seule avec un revenu net mensuel de 2 500 à 3 500 € peut se permettre l’achat d’un bien de taille moyenne. Pour un couple avec enfants, l’acquisition d’une maison ou un appartement de 80 m² à 300 000 €, un revenu net mensuel de 4 500 à 5 500 € pourrait suffire selon l’apport disponible et les taux d’intérêt. En 2020, selon l’Insee, près de 40 % des ménages franciliens sont composés d’une seule personne et que le nombre de familles monoparentales est également en forte hausse avec plus d’une famille avec enfants sur quatre qui est monoparentale.

Avec un seul salaire, l’accession à la propriété ressemble à une mission impossible. Audrey Decharne, professeur d’anglais en lycée, a fait face à cette difficulté. Elle souhaitait devenir propriétaire d’une maison, mais « je me posais la question si c’était possible. J’avais un peu d’apport et j’ai commencé à chercher autour de moi », se rappelle-t-elle. Seul critère, un éloignement maximum de 45 minutes de son travail, au lycée Nelson-Mandela d’Etampes. Impossible à trouver en Essonne, finalement, elle a trouvé la solution en faisant construire une maison à Ouarville (28). Mais elle va devoir faire les finitions elle-même. « C’est une maison de 63 m2 au sol, sur un terrain de 700 m2. Nous réalisons la maison et la livrons hors d’air et hors d’eau. Nous mettons à disposition ensuite tous les matériaux et c’est au propriétaire d’effectuer le reste des travaux pour lesquels nous faisons un suivi », indique Noël Pannier, de l’agence Mikit d’Etampes. Ce modèle a permis à Audrey de faire une économie estimée à 30 % du budget d’une maison équivalente terminée, et ainsi de rentrer dans le budget maximum qu’elle pouvait mobiliser pour son projet.
Un modèle existe pour adapter son logement
Le Département de l’Essonne a inauguré, le jeudi 22 mai dernier, un appartement témoin démontrant qu’il est possible d’adapter un logement de manière fonctionnelle, esthétique et non-stigmatisante pour favoriser le maintien à domicile.
En 2021, un rapport d’information sénatorial estimait qu’il y avait entre 2 et 2,5 millions de logements en France qui nécessitaient d’être adaptés pour les seniors. L’Essonne n’échappe pas à ce besoin. Aujourd’hui, ce sont 15 % des Essonniens qui ont plus de 65 ans, une proportion amenée à augmenter dans les années à venir. Si l’on y ajoute les personnes en situation de handicap, l’enjeu de l’adaptation du logement à la perte d’autonomie est encore plus pressant.
En France, il n’y aurait que 6 % des logements qui seraient adaptés aux personnes vieillissantes estimait en 2013 l’Agence nationale de l’habitat. En janvier 2021, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement identifiait près de 2 millions de ménages de plus de 60 ans concernés par le besoin de l’adaptation du logement.
Le premier appartement témoin en France
Ce besoin a été depuis longtemps identifié par les services du Conseil départemental qui accompagne déjà plus de 120 000 personnes en situation de handicap et 17 000 personnes âgées. Mais les freins sont encore nombreux, de la dénaturation à la dévalorisation du logement, en passant par la stigmatisation.

Afin d’accompagner l’adaptation des logements au mieux, un appartement témoin a donc été créé au sein de la Maison départementale de l’Habitat. Sur 90 m2 de superficie, il permet de se rendre compte comment, de l’entrée du logement jusqu’au salon, en passant pa la chambre, la salle d’eau ou la cuisine, comment il est possible de continuer à vivre bien dans son logement même lorsque son autonomie n’est plus ce qu’elle était. « Adapt’91 illustre notre volonté de rendre le logement accessible sans sacrifier l’esthétique ni la qualité de vie. Ce lieu se veut également une source d’information sur les solutions existantes et les aides disponibles », insistait le président du Conseil départemental François Durovray lors de l’inauguration de ce logement-témoin le jeudi 22 mai.
« L’adaptation des logements est une priorité absolue. Elle doit permettre de concilier accessibilité, innovation technologique et liberté de choix sans renoncer au confort et à la dignité », insistait Anne-Marie- Jourdanneau-Fort, Conseillère départementale déléguée au service essonnien du grand âge.

Adapter un logement, ça se prépare
Paloma Farine, qui a créé le logement témoin de 90 m2 dans la Maison départementale de l’habitat, insiste sur la nécessité de travailler avec des professionnels pour adapter son logement. « Il faut travailler avec un assistant maîtrise d’ouvrage MaPrimeAdapt’. Celui-ci se rend chez la personne afin de faire un diagnostic à la fois de leurs besoins et du logement », explique-t-elle. Le regard professionnel, croisé avec celui d’un ergothérapeute permettra d’identifier les besoins, de les prioriser et de faire les bons choix pour effectuer les opérations d’adaptation, qui peuvent être onéreuses, de manière la plus cohérente possible. Ainsi, si la salle de bain est en général bien identifiée comme la pièce la plus dangereuse, c’est moins le cas pour la deuxième qui est la chambre.
Adapt’91 permet également de mettre en avant les entreprises qualifiées en Essonne capables de mener à bien une telle adaptation. « Pour un secteur du logement qui souffre, c’est aussi un vecteur d’activité économique d’une importance cruciale » soufflait Fabien Daurat, président de la fédération française du bâtiment de l’Essonne.
Renseignements : Maison départementale de l’Habitat, 1 boulevard de l’Ecoute-s’il-pleut, Evry-Courcouronnes. Visites sur rendez-vous au 01.60.87.18.70.