Les vendeurs de CBD inquiets pour l’avenir de leur filière

Les vendeurs de CBD inquiets pour l’avenir de leur filière

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La boutique High Society d'Orsay craint les retombées économiques de l'arrêté paru en fin d'année dernière.

Suite à un arrêté publié le 31 décembre, les vendeurs de CBD, molécule non-psychotrope de cannabis, redoutent une perte conséquente de chiffre d’affaires et, à terme, la liquidation de nombreuses entreprises.

Un simple arrêté au Journal Officiel, et c’est tout un écosystème qui tremble. Le 31 décembre dernier, le ministère de la Santé publie ainsi l’arrêté « portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique ». Derrière cette appellation pour le moins cryptique, une ambition : préciser le cadre légal d’industrialisation et de commercialisation du CBD, cette molécule non-psychotrope du cannabis dont les boutiques fleurissent (c’est le cas de le dire) un peu partout sur le territoire.

Et outre l’augmentation de 0.2 à 0.3 % de THC (tétrahydrocannabinol, la molécule psychotrope du cannabis) dans les produits autorisés, le texte recèle une information qui fait bondir le secteur : « sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients ». Une décision prise pour des motifs « d’ordre public » et de « santé publique »

Problème, ces fleurs ou feuilles brutes représentent près de la moitié – voire jusqu’à trois-quart – du chiffre d’affaires de ces entreprises, désormais limitées aux produits transformés, telles que les huiles.

« Nous avons été surpris »

Avec son gazon synthétique au sol, ses lambris de bois et son mur végétal derrière le comptoir, la boutique High Society d’Orsay poursuivait son activité malgré tout, jeudi 6 janvier. Installée depuis octobre dans la rue du Docteur-Lauriat, le magasin franchisé fonctionnait jusque-là plutôt bien, à en croire l’ouverture d’une nouvelle franchise à Chilly-Mazarin, depuis ce lundi. Mais cette annonce gouvernementale a potentiellement de quoi changer la donne.

Car ici aussi, les produits désormais interdits représentent un peu plus de la moitié du chiffre d’affaires. « Comme tout le monde dans le secteur, nous avons été surpris par cette décision, déplore Nicolas Vidal, gérant de la boutique. Nous ne comprenons pas leur logique, d’autant que la loi est très floue. Nous sommes dans une situation dans laquelle il y a un arrêté, mais pas de peine en face. Et si je respecte l’arrêté à la lettre, la situation va être très compliquée pour moi. »

Premiers effets économiques

Et cette « surprise » n’a pas attendu longtemps avant de provoquer ses premiers effets. A la marge tout d’abord, puisque les fleurs brutes ont été retirées de la vitrine et des produits d’appel sur le comptoir (« davantage une mesure psychologique pour moi », précise Nicolas Vidal, car dans les faits, les fleurs sont toujours disponibles à la vente), mais également à un niveau plus économique. En effet, si le gérant a bien engagé plusieurs personnes, pas moins de quatre offres d’emploi initialement prévues ont tout simplement été retirées. Car si l’arrêté venait à être maintenu, la situation ne serait pas tenable pour les gérants de ces entreprises.

Une bataille judiciaire à venir

Face à cette décision, qui « fait peur à tout le secteur », selon les propres termes de Mao Aoust, fondateur et dirigeant de High Society, la résistance s’organise. Et se fait à travers les outils juridiques. Ainsi, plusieurs actions ont d’ores et déjà été lancées par les fédérations représentatives du secteur. De la plus rapide – un référé-liberté dont la réponse doit être connue en fin de semaine – à la plus lointaine avec la saisie éventuelle de l’Union Européenne, qui a d’ailleurs elle même déjà statué en faveur du CBD pour ses pays membres.

En attendant des nouvelles des tribunaux, les boutiques n’ont d’autres choix que l’expectative. « Nous sommes intimement persuadés que cet arrêté finira par être suspendu, note Nicolas Vidal. Mais combien de temps cela prendra t-il ? C’est là toute la question et en attendant, c’est nous qui nous retrouvons dans la panade. »
Motif d’espoir pour le secteur, le Conseil constitutionnel a, dans une décision rendue le vendredi 7 janvier, exclu les produits à base de CBD de la définition des substances « stupéfiantes ». La première d’une longue série de batailles à mener.

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Quelques précisions sur la vente de CBD

Des molécules différentes
Il ne faut pas confondre le cannabidiol (CBD), molécule non-psychotrope du cannabis et donc autorisée, avec le tétrahydrocannabinol (THC), qui donne l’aspect stupéfiant au cannabis. Les produits vendus en France doivent contenir moins de 0,3 % de THC.

Le cannabis, pour qui ?
Dans le cas de la boutique orcéenne, Nicolas Vidal précise n’avoir que « très peu de consommateurs de moins de 25 ans », ceux-ci recherchant généralement les effets du THC. Toutes les autres catégories d’âge sont en revanche représentées, la plupart consommant du CBD pour ses vertus luttant « contre les douleurs articulaires ou le sommeil ».