Souvent cachés dans l’ombre des grands chantiers de restauration ou derrière des créations à couper le souffler, ils perpétuent des savoir-faire uniques et ancestraux, comme Aude Novikoff à Forges-les-Bains. Pour valoriser et mettre en lumière le travail de ces artisans, des actions sont menées, comme le lancement de la marque « Métiers d’arts en Ile-de-France » le 24 avril dernier par Chambre des métiers et d’artisanat d’Ile-de-France ou l’ouverture de boutiques dédiées à l’artisanat.
Un dossier réalisé par Teddy Vaury et Maryne Vialette
Pour l’année 2024, la région Ile-de-France comptabilisait 348 000 entreprises artisanales. Derrière cette catégorie administrative se cachent des hommes et des femmes dont les activités artisanales allient savoir-faire traditionnel et créativité. « Des métiers caractérisés par la maîtrise des gestes techniques, la précision et l’attention aux détails pour créer des objets uniques et esthétiques. Ils englobent des domaines variés tels que la céramique, la joaillerie, la tapisserie, la verrerie et contribuant à la richesse culturelle et patrimoniale », insiste la Chambre des métiers et de l’artisanat d’Ile-de-France, qui a souhaité les mettre à l’honneur en lançant sa marque « Métiers d’art en Ile-de-France » le 24 avril dernier. Une nouvelle appellation, pour pallier le manque de visibilité, qui se veut plus simple et fonctionnelle pour valoriser l’expertise des artisans du territoire. Car certains labels prestigieux sont parfois difficiles à obtenir et demandent de longues démarches administratives, voire parfois une année entière de préparation.

Pourtant, ils sont nombreux à sauter le pas pour vivre de leur passion. C’est le cas d’Aude Novikoff, peintre sur porcelaine installée à Forges-les-Bains depuis 2021. Orthophoniste de formation – « J’ai toujours aimé les enfants et venir en aide aux autres. C’est un très beau métier, mais peu compatible avec une vie de famille » – aussi loin qu’elle se souvienne, Aude a toujours aimé peindre et dessiner. Si elle n’ose pas se lancer dans des études artistiques, elle ne lâche jamais ses pinceaux, au point de partager son temps libre entre son rôle de maman et ses tubes de couleur. C’est à l’âge de 39 ans qu’elle découvre la peinture sur porcelaine et tombe immédiatement amoureuse de ce nouvel art.
« Je suis très sensible à l’art de la table, aux belles couleurs, à la vaisselle de qualité… La procelaine est une matière très noble que j’apprécie sublimer. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais la peinture sur porcelaine m’a de suite attirée, confie celle qui prend alors des cours sur Paris et achète un four à la naissance de sa troisième fille. C’était la liberté, je pouvais réaliser mes pièces à la maison, du début à la fin. J’étais jusqu’alors obligée d’apporter mes créations dans un atelier à Paris pour la cuisson. C’est impensable aujourd’hui ! »
Un coup de téléphone va changer son destin
Poussée par ses amies et son entourage, elle commence par proposer des cours de peinture sur porcelaine à domicile. Et le jour où elle suit son mari pour une expérience à l’internationale [ndlr : la famille va vivre quelques années au Luxembourg, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni], Aude emporte dans ses valises les jeux de ses quatre filles, ses pigments et… son four ! « Je ne pouvais pas partir sans lui ! plaisante la mère de famille. Le reste, on pouvait très bien l’acheter sur place. »
De retour en France, pour financer les études supérieures de ses enfants, elle prend attache avec un atelier-boutique à Paris. Elle exerce alors comme peintre sur porcelaine depuis chez elle. Une expérience qui lui ouvre les portes d’une grand maison de luxe : « La boutique travaillait avec Hermès, j’ai donc pu présenter mon travail lors de leurs différents podiums. Ce sont des événements pour mettre à l’honneur le savoir-faire artisanal. Pendant cinq ans j’ai collaboré à plusieurs reprises avec eux », précise Aude, qui met fin à sa collaboration avec l’atelier parisien en 2010. Inscrite à France Travail, elle est contrainte de renouer avec la profession d’orthophoniste. Et, un beau jour, alors qu’elle s’apprête à rentrer en rendez-vous, la sonnerie de son smartphone retentit… Un coup de téléphone qui va changer son destin ! A l’autre bout du combiné, la maison Hermès lui propose de faire des essais : elle recherche trois peintres sur porcelaine pour reproduire, en série limité, un grande coupe, un plat et un vase. Aude fait partie des trois lauréates et se lance dans l’aventure. A l’époque, elle travaille depuis son petit appartement, dans la chambre mansardée de sa fille. « Je dépliais ma table dès qu’elle partait à l’école, mon four était installé à côté de sa table de chevet ! » se remémore l’Essonnienne avec nostalgie et humour.

Et l’aventure dure depuis dix ans. Aude reçoit les pièces blanches et le prototype [ndlr : réalisé par un autre peintre sur porcelaine, il sert de modèle pour la série à produire] puis les renvoie, une fois terminées, pour validation. « J’ai beaucoup de chance, la maison Hermès valorise énormément ceux qu’elle appelle « Les petites mains ». A chaque voyage, à chaque fois que je suis dans un aéroport, je me rends à la boutique Hermès pour espérer voir une de mes réalisations. Je suis heureuse de voir les pièces voyager et, lorsque je me présente aux vendeurs, ils se montrent toujours très curieux. J’ai aussi eu l’occasion de participer à plusieurs reprises à l’exposition itinérante de Hermès, à travers le monde, pour faire découvrir l’artisanat français », raconte celle qui a aujourd’hui élargi son champ de travail. En parallèle, Aude collabore avec Alix D Reynis et vient de lancer sa nouvelle boutique en ligne. Façonnés dans son atelier forgeois, les bijoux, les objets décoratifs et la vaisselle peuvent être personnalisés. Des pièces d’exception pour faire perpétuer le patrimoine vivant.
Ecrit par Maryne Vialette
- https://creationsblanccouleurs.com
Un nouveau modèle pour la commercialisation
Avec La Boutique des Artisans, dont un deuxième magasin a ouvert en Essonne il y a quelques jours, les créateurs et artisans d’art peuvent bénéficier d’un nouveau mode de commercialisation de leurs produits.
Après celle du centre commercial du Valdoly à Vigneux-sur-Seine, la Boutique des Artisans vient d’ouvrir un deuxième magasin en Essonne, le 17e en France dans la galerie Aushopping de l’hypermarché Auchan de Brétigny-sur-Orge. La Boutique des Artisans est un concept créé par Nicolas Denouette. Cet artisan de Compiègne, lui-même artisan en épicerie fine, a eu l’idée de créer une boutique regroupant de nombreux artisans et créateurs face aux difficultés et aux efforts demandés, pour commercialiser ses produits.

« Quand on est artisan, on n’est pas forcément commerçant », résume-t-il. Son métier, son savoir-faire, est en effet dans la création de choses unique. Mais élaborer une stratégie commercial, faire du marketing, communiquer, gérer la relation client, vendre et négocier, ce ne sont pas forcément des compétences que possède l’artisan. Et pourtant, c’est une clé incontournable de la réussite d’un projet. Dans ses boutiques, Nicolas Denouette rassemble plusieurs dizaines de créateurs, qui disposent chacun d’un emplacement et peuvent donc déléguer la commercialisation de leurs produits.
Dans la nouvelle Boutique des Artisans qui a été inaugurée le jeudi 22 mai dernier à Brétigny-sur-Orge, on retrouve 62 artisans. On y trouve des produits aussi divers que des objets en céramique, des personnages en crochet, des bijoux, des chocolats, des tableaux, etc.
A l’aube de la fête des mères, on pouvait sentir le succès arriver dès jeudi soir, alors que les personnes passant dans la galerie trépignaient d’impatience d’entrer à l’intérieur. Ce lundi 26 mai, Nicolas Denouette confirme le succès. « Nous avons fait notre record absolu pour une ouverture ce week-end. Nous avons fait un chiffre d’affaires supérieur de plus du double de notre précédent record », indique-t-il. Sur le week-end, 17 000 € de produits des artisans ont été vendus, soit 1 200 articles. Cela représenterait bien des marchés de Noël ou artisanaux pour arriver au même total. « Cela a été la cohue, on a été victime de notre succès. Vers 17-18h samedi soir, je leur ai dit, « surtout ne vendez pas les meubles » », confie, avec le sourire, Nicolas Denouette.

succès prouve également que l’artisanat, la création, ne sont pas à opposer à galerie commerciale et grande distribution, bien au contraire. Les deux ont à gagner à se rapprocher. C’est le sentiment partagé par les 62 artisans de la boutique de Brétigny. Jonathan Jolly, de l’Atelier Jolly installé en Essonne, est l’un de ceux-là. Il connaît le modèle pour être déjà présent dans deux autres boutiques et est convaincu par le modèle. Caroline Cuq, de Cala Crea voit dans ce modèle un réel levier. « Je me suis lancé il y a deux ans et demi et je commence seulement à pouvoir me tirer un salaire qui est juste au Smic. Avec cette boutique, cela me permet de me concentrer sur la production », indique-t-elle. Seule contrepartie pour les artisans, être présent en boutique une fois par mois.
Le directeur du centre commercial Didier Le Calvez était ravi également. « C’est ce que nous souhaitons faire, avoir une différenciation de l’offre dans la galerie, et accueillir des produits de qualité », souligne-t-il. Nicolas Méary, maire de la ville, était présent également lors de l’inauguration et a salué en Nicolas Denouette un entrepreneur qui prend des risques et a su trouver un modèle « respectant les identités des artisans ».
« La Boutique des Artisans, c’est une belle aventure humaine et c’est aussi un projet social. Chaque achat aide un artisan », conclut Nicolas Denouette, qui a hâte de voir les fêtes de fin d’année pour voir l’activité encore prendre de l’ampleur.
Ecrit par Teddy Vaury