Le gratin du judo mondial a rendez-vous du 13 au 20 juin à Budapest (Hongrie) pour la 52e édition des championnats du monde. Tous deux médaillés olympiques, les Essonniens Shirine Boukli (-48 kg, FLAM 91, 26 ans) et Joan-Benjamin Gaba (-73 kg, JC Chilly-Mazarin/Morangis, 24 ans) – qui nous a accordé un entretien –, viseront le titre.
Le Républicain de l’Essonne : « Il y a un an, vous étiez encore inconnu du grand public. Depuis, il y a eu les Jeux olympiques et votre médaille d’argent avec un nouveau statut de cadre au sein de l’équipe de France. Comment avez-vous vécu l’après-JO ?
Joan-Benjamin Gaba : « Ce nouveau statut ne m’a jamais déstabilisé. Je m’entraîne pour être le meilleur. Forcément, cela va avec ce statut. Il y a un tas de gens qui sont attendus et qui sont favoris et qui gagnent quand même. C’est totalement possible.
Le Rép. : Votre vie a-t-elle changé ?
J.-B.G. : Non. Ça n’a rien changé à ma manière de fonctionner, même quand je sors. Il y a des sollicitations supplémentaires, mais dans ma vie en général, ça n’a pas changé ma manière d’être. Ça ne perturbe pas vraiment ma tranquillité. S’il y a deux-trois personnes qui me reconnaissent dans la rue, ce n’est pas dérangeant.
Le Rép. : Dans la foulée des Jeux, vous vous faites opérer du genou gauche. Vous avez mis du temps à revenir. Comment s’est passé cette période ?
J.-B.G. : L’opération est arrivée au bon moment. J’étais encore content de ma performance. Cela ne m’a pas dérangé de me faire opérer à ce moment-là. Les compétitions ne reprenaient pas tout de suite. J’ai pris mon temps pour revenir, pour bien soigner mon genou. Je ne voulais pas reprendre la compétition sans être en bonne forme physique. Je me suis bien sûr entraîné pendant ce temps-là. Quand j’ai senti que j’étais prêt physiquement, je suis revenu. Mais après huit mois sans compétition, c’est difficile d’arriver à son meilleur niveau. Forcément, les premières compétitions ne se sont pas très bien passées. La première (au Grand Prix de Linz, en Autriche, début mars), ça ne s’est vraiment pas bien passé (défaite à son premier combat contre l’Autrichien Samuel Gassner). La deuxième (au Grand Slam de Tbilissi, en Géorgie, deux semaines plus tard), ça s’est un peu mieux passé (5e). Et la troisième aux championnats d’Europe (fin avril à Podgorica, Monténégro), ça a été encore mieux.
Le Rép. : Justement, aux Europe, vous décrochez comme l’an passé une médaille de bronze. Auriez-vous pu aller chercher mieux ?
J.-B.G. : Oui bien sûr. Celui contre qui je perds en quart de finale (ndlr : l’Azerbaïdjanais Rashid Mammadaliyev) était à ma portée. Cette 3e place (arrachée contre le vétéran géorgien Lasha Shavdatuashvili après dix minutes de combat), c’est quand même une belle performance au vu du déroulement de la saison, avec mon retour de blessure, ajouté au retour post-Jeux qui n’est jamais facile. C’est un résultat encourageant. J’ai toujours dit que mon objectif était les championnats du monde. Cette médaille européenne me met dans de bonnes conditions pour ce rendez-vous.
Le Rép. : Est-ce que vous avez senti un regard différent chez les adversaires que vous avez affrontés sur ces trois compétitions ?
J.-B.G. : Oui clairement. Les adversaires veulent ma peau. Et c’est normal. Quand je prenais des athlètes médaillés mondiaux ou olympiques, je me surpassais. Je suis dans la position inverse maintenant. Ce n’est pas forcément dérangeant. Il faut être encore plus rigoureux et se méfier encore plus de tout le monde.

Le Républicain de l’Essonne : Abordez-vous désormais les compétitions différemment ?
Joan-Benjamin Gaba : Non. Pareil qu’avant voire avec moins de pression qu’avant. Je me sens plus à l’aise. Par exemple, pour les Europe, je ne stressais pas du tout.
Le Rép. : Et pour les mondiaux ? Une compétition où vous n’avez jamais brillé. Ne vous mettiez-vous pas trop de pression ?
J.-B.G. : Non, c’était une question de niveau. Le judo est un sport très difficile. L’âge où l’on atteint son meilleur niveau, c’est statistiquement 26-27 ans. Lors de mes dernières participations aux mondiaux, j’avais 22 ans, 23 ans, donc j’étais jeune. Je perdais à chaque fois contre des mecs qui étaient médaillés. J’ai perdu contre le Japonais Hashimoto (2022) que j’ai battu ensuite aux JO. J’ai perdu contre le Brésilien Cargnin (2024). Ce n’était pas une question de stress mais de niveau.
Le Rép. : Dans quel état d’esprit êtes-vous avant ces championnats du monde ?
J.-B.G. : J’y vais pour gagner tout simplement. Je n’ai peur de personne dans ma catégorie. Je sais que je peux battre tout le monde. Sans prétention. C’est un fait… Maintenant, en judo, on ne sait pas ce qu’il peut se passer. C’est un sport difficile. N’importe qui peut battre n’importe qui. Ce qui est sûr, c’est que j’y vais pour gagner.
Le Rép. : Est-ce que vous serez le 31e champion du monde français ?
J.-B.G. : J’espère… (avant de se reprendre). J’espère ne pas être le 31e car j’espère qu’il y en aura eu d’autres avant moi (ndlr : la compétition démarre le 13 juin, il entrera en lice le dimanche 15 juin). Mais j’espère être champion du monde, même si je suis le 32e.
Le Rép. : Comment vous sentez-vous physiquement alors que les championnats d’Europe ont eu lieu il y a seulement six semaines et que vous avez rebasculé sur une nouvelle préparation ?
J.-B.G. : Je me sens bien. On vient de participer à un stage, à Benidorm (Espagne), avec tout le gratin du judo mondial. Ça s’est bien passé, on s’est bien entraîné. Je me sens bien. Après deux jours de repos, je viens de reprendre l’entraînement à fond.
Le Rép. : Avant une échéance comme les championnats du monde, arrivez-vous à penser à autre chose ?
J.-B.G. : Quand je ne suis pas au judo, j’arrive à faire autre chose et à penser à autre chose. Je vois ma famille, je fais de la musique. Ça m’aide beaucoup.
Le Rép. : Dans vos entraînements, est-ce que vous avez changé des choses pour faire évoluer votre technique ?
J.-B.G. : Non. Je poursuis le travail entamé avant les Jeux. J’étais sur une bonne dynamique. Je suis juste dans la continuité. Je n’ai rien établi de nouveau.
Le Rép. : Et sur le plan stratégique ?
J.-B.G. : Non. Je bosse toujours spécifiquement sur mes adversaires. Selon les adversaires, j’ai des tactiques différentes qui évoluent en fonction des progrès qu’ils effectuent au fil des mois. Il y a des choses nouvelles qui s’ajoutent, mais en général, la méthode de travail reste la même.
Le Rép. : Quel sera votre principal danger lors des championnats du monde ?
J.-B.G. : Ma catégorie est remplie de dangers. En moins de 73 kg, il y a beaucoup d’adversité. C’est sûrement la plus dense au monde avec les 81 kg. On a tous un niveau très proche. Il n’y a pas un mec que je crains plus qu’un autre. Ça va être la guerre. »
Propos recueillis par Aymeric Fourel