Essonne : la ville d’Itteville sans budget, et le maire sans majorité

Essonne : la ville d’Itteville sans budget, et le maire sans majorité

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Les élus approuvent, à main levée, le vote à bulletin secret sur les taux d'imposition locaux (© Le Républicain de l'Essonne).

Lors du conseil municipal du jeudi 13 avril, une majorité des élus s’est opposée à la proposition de budget 2023 présentée par François Parolini, maire.

Avant le début de l’assemblée, on pouvait ressentir dans la salle de la mairie d’Itteville de l’électricité dans l’air. A l’ordre du jour de ce conseil municipal on avait le vote du budget 2023 de la commune, l’acte le plus important pour les élus municipaux dans l’année. Mais, deux semaines après un rapport d’orientation budgétaire (ROB) qui avait révélé une scission au sein de l’assemblée, il existait des doutes sur l’adoption de ce budget. En effet, sur le ROB, 8 élus avaient voté favorablement, 7 contre et 12 s’étaient abstenus. Avant le début de la réunion de ce 13  avril, tout le monde s’interrogeait donc si cet équilibre précaire allait persister ou si la position des élus municipaux évoluerait.

Dans ce contexte, François Parolini a ouvert la séance en rappelant aux élus autour de la table la portée de leur vote jeudi soir. « Le vote du budget ne peut s’embarrasser de petites querelles intestines. La responsabilité que vous nous avez confiée ne saurait être éclaboussée par les intérêts politiques d’un groupe. Le budget d’Itteville est de notre responsabilité à tous. C’est notre bien collectif. Les projets que nous construisons ensemble pour l’épanouissement de chacun. Le plan pluriannuel d’investissement de la ville, ce sont les équipements et les besoins de tous les Ittevillois. Associations, centre d’action sociale, culture, événements, écoles, chacun a son rôle à jouer dans l’histoire à venir de notre ville. C’est pour cette raison que je me suis refusé à réduire les budgets et que j’ai choisi de vous demander d’être solidaire et de soutenir les actions portées par votre ville », a-t-il affirmé en début de séance.

Une nette majorité contre les hausses d’impôts

Le budget de la ville est en effet très contraint et, afin de poursuivre le programme d’investissement prévu, François Parolini proposait aux conseillers municipaux de prévoir une augmentation du taux communal sur la taxe foncière, une augmentation de 1,21 point, soit 11%, pour faire passer le temps de 38,79 à 40%. Une proposition qui, liée au projet de budget  2023, a créé des tensions au sein de la majorité municipale.

Mais avant d’arriver à ces points cruciaux de l’ordre du jour, la confusion régnait déjà avec plusieurs interventions donnant le ton. L’élue d’opposition et sénatrice Daphné Ract-Madoux questionnait ainsi le procès-verbal du conseil précédent et le résultat du vote sur le ROB pour lequel elle estimait qu’il n’y avait eu que 6 voix pour. Sur la rédaction des délibérations, Françoise Guillard, ancienne tête de liste de la liste « Agir et vivre à Itteville » qui avait fusionné avec la liste menée par François Parolini entre les deux tours de l’élection municipale de  2020, s’interrogeait quant à elle sur la rédaction des délibérations.

«Nous sommes surpris de ne pas voir les avis de la commission des finances mentionnés alors que c’est toujours le cas. On peut s’interroger sur la pertinence de l’organisation de commissions si l’on ne transmet pas leur avis au Conseil municipal», s’agaçait-elle, affirmant être scandalisée par cet état de fait alors que sur les délibérations où l’avis de la commission était favorable, il était mentionné. Yoann Marfa-Anglada, ancien maire-adjoint et finance qui était 3e de la liste de François Parolini en 2020, a déposé un amendement pour que ces avis soient intégrés sur les délibérations. Une proposition qui a recueilli 22 voix.

Les élus ont ensuite commencé à entrer dans le cœur du sujet. Sur le compte administratif d’abord, qui retrace l’ensemble des mandats et titres du budget 2022, y compris les restes à réaliser, les élus se sont prononcés à 15 voix contre. Sur le compte de gestion, les élus se sont prononcés à 15 voix pour.

Venait ensuite le vote des taux d’imposition 2023 de la commune. «Une augmentation raisonnable de la taxe foncière bâti est indispensable », a rappelé François Parolini. Sur le foncier non bâti et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, le maire proposait de maintenir les taux communaux. Mais cette proposition d’augmentation n’était pas du goût de tous. «Vous proposez d’augmenter de manière modérée, mais je rappelle que les bases (Les bases sont fixées par l’Etat sur la base de l’indice des prix à la consommation harmonisé ndr) augmentent également de 7,1%. Vous allez faire subir aux habitants une augmentation encore plus forte, contraire à nos promesses de campagne », a insisté Yoann Marfa-Anglada, affirmant qu’Itteville aurait alors le taux de taxe foncière le plus élevé du territoire. Une analyse partagée également par Françoise Guillard qui a insisté clairement sur son opposition à une hausse du taux communal.

François Parolini est revenu sur la nécessité de cette augmentation afin de poursuivre le programme d’investissement de la commune. «Dans notre programme, nous ne pouvions pas prévoir la crise inflationniste. Dans la vie, il y a les promesses et la réalité de terrain», a-t-il affirmé. Yoann Marfa-Anglada a demandé le vote à bulletin secret sur ce point crucial, une proposition approuvée par plus d’un tiers des élus.

Une proposition à laquelle François Parolini était opposé. « Sur ce genre de proposition, chacun doit être assez courageux pour ne pas se cacher derrière un vote à bulletin secret», a-t-il estimé. Après un long processus de vote, la proposition du maire sur les taux d’imposition 2023 a obtenu 9 voix pour, 18 contre et 2 élus se sont abstenus.

Des questions sur la solidité du budget

Tandis qu’un murmure d’approbation se faisait entendre parmi les quinzaines de personnes présentes dans l’assistance, François Parolini courbait la tête. Ce vote marque en effet un coup d’arrêt à son action en plein milieu de sa mandature. Sans les ressources nécessaires, le vote sur le budget ne revêtait alors plus qu’un enjeu anecdotique dans cette soirée. Le maire était d’ailleurs même prêt à mettre au vote celui-ci dans la foulée, mais tant son opposition que les membres de la majorité ayant fait entendre une voix dissonante lors de ce conseil ont tenu à ce que l’on débate également du budget.

Les attaques ont été nombreuses. Yoann Marfa-Anglada estimant voir « des incohérences» dans les chiffres annoncés, sur les fluides ou la baisse des charges de personnel. Il a également questionné le maire sur le doublement des frais de carburant. Daphné Ract-Madoux a estimé que le budget n’était pas sincère. «Nous voulions montrer la nullité de ce budget préparatoire », confiait-elle a posteriori. Elle a notamment questionné le maire sur la non-réaffectation des résultats ou la non-inscription de toute la dette au Siarce au budget.

«Hélas ce budget répond à mes craintes. Au fil des semaines, nous avons vu 3 maquettes de budget différentes et vous n’avez pas répondu aux questions posées», a-t-elle indiqué en séance. François Parolini assurait quant à lui que ce budget était «sincère » et répondait aux besoins de la ville. Cette fois, c’est Daphné Ract-Madoux qui a demandé un vote à bulletin secret. Le budget a été lui aussi refusé par les élus, cette fois avec 16 voix contre et 12 pour, avec une 1 seule abstention.

Des difficultés internes à la majorité

Une dernière délibération était à l’ordre du jour concernant les subventions au CCAS ou à la Caisse des écoles et aux associations. 86600  € de subventions approuvées à la majorité, mais une délibération qui risque de rester lettre morte puisque le budget n’a pas été approuvé. Après trois  heures, le Conseil municipal a donc pris fin sur un constat, l’échec de François Parolini à faire approuver son budget et des doutes sur le devenir de la majorité municipale.

Car au-delà de la question de l’augmentation des impôts locaux, d’autres difficultés semblent miner le groupe majoritaire. «Il y a un manque de collégialité. En 2020, nous avions créer des commissions de concertation, mais le problème c’est de les faire vivre et de faire vivre la cohésion du groupe », analyse Yoann Marfa-Anglada. «Cela fait plusieurs fois que je dis à monsieur le maire qu’on ne peut pas continuer ainsi. Il y a une gestion qui n’est pas partagée, cela faisait pourtant partie de leur campagne de démocratie participative », se désole Françoise Guillard, qui rappelle que depuis la fin de l’année 2021, seul un bureau municipal élargi s’est réuni, fin 2022.

Tous deux confirment avoir sérieusement soupesé leur décision sur ce budget. Pour autant, leur position pour l’avenir reste incertaine. «Je suis toujours en ligne avec le programme sur lequel nous avons été élus. Il faut se poser les bonnes questions pour trouver comment faire fonctionner la commune », insiste Yoann Marfa-Anglada. «Aujourd’hui cela ne dépend pas de nous. La balle est dans le camp de François Parolini», estime Françoise Guillard.

L’édile analyse lui ce qui s’est passé jeudi dernier comme une tentative de déstabilisation. «Une partie de la majorité municipale soutenue par l’opposition a choisi de faire de ce vote l’enjeu d’une guerre politique perdue il y a trois  ans déjà », estime-t-il. Il rappelle ainsi que c’est sur son nom que les élus de la majorité ont été élus en  2020. Pour autant, il estime pouvoir conserver une majorité au Conseil municipal et «retrouver un équilibre». «Notre équipe a besoin de pédagogie, et a peut-être manqué d’attention de notre part», avoue-t-il. Pas question en tout cas pour François Parolini de donner sa démission aujourd’hui.

Les semaines et les mois à venir vont donc être déterminants pour savoir si l’équipe municipale peut se remettre au travail. Quant au futur budget, désormais dans les mains de l’Etat, il devrait permettre aux affaires courantes de se poursuivre. L’objectif de l’Etat étant d’accompagner la commune pour qu’elle reste gérable. Mais 2023  marquera, quoiqu’il arrive, un coup d’arrêt dans la mandature en cours.